Justin Trudeau n'aura pas à chercher loin pour trouver la chanson thème de sa prochaine campagne électorale. Je suis certain que Robert Charlebois, grand prêtre de la période psychédélique, va lui prêter avec plaisir son classique Entr' deux joints rebaptisé Entr' six joints, puisque c'est le nombre de fois que Justin a avoué avoir fumé du cannabis durant sa vie. La dernière fois remonte à il y a trois ans, alors qu'il était député à la Chambre des communes. Imaginez le beau Trudeau entrer dans ses assemblées au son de ce rock endiablé:

Tout ça a commencé sur les plaines d'Abraham/

La chicane a pogné, t'as mangé ta volée/

Mais depuis ce temps-là, t'as pas beaucoup changé/

J'te trouve ben magané, pis encore ben pogné/

Entr' six joints, tu pourrais faire quek'chose/

Entr' six joints, tu pourrais te grouiller le cul...

Bien sûr, c'est Pierre Bourgault, auteur des paroles, qui va se retourner dans sa tombe d'entendre sa chanson utilisée par le fils de Pierre Elliott Trudeau, mais avec tout ce qui se passe au Québec, depuis son départ, il doit être habitué de faire la toupie!

Pourquoi Justin Trudeau se confesse-t-il soudainement de sa consommation de drogue illicite, alors que personne ne lui demandait de le faire? Parce que le chef du Parti libéral est devenu, cet été, le grand défenseur de la légalisation de la marijuana. Il a affirmé que cette prise de position ferait partie intégrante du programme des libéraux lors de la prochaine campagne électorale. Qui aurait cru qu'un jour, on pourrait dire: PLC et Bloc pot, même combat? Qui aurait cru qu'un jour, le fils du père de l'unité canadienne allait s'écrier: «Vivre le Québec gold libre!» ?

Quand on y réfléchit comme il faut, la stratégie de la tête à Papineau n'est pas si surprenante que ça. Depuis qu'il est entré en politique, le principal reproche que les observateurs adressent à Justin Trudeau, c'est de manquer de substance. Justin Trudeau a donc décidé de s'en trouver de la substance. De la substance hallucinogène.

On ne sait toujours pas quelles sont ses propositions économiques, constitutionnelles et sociales, mais on connaît sa proposition planante: légaliser le pot. C'est un début. D'ailleurs, je soupçonne Justin de vouloir cette légalisation pour pouvoir se remettre à consommer en toute impunité. Et que la boulette l'aide à avoir de grandes idées sur tous les autres sujets importants. De Baudelaire aux Beatles, il est connu que la mari réussit à rendre plus créatifs certains cerveaux. À faire des concours génies en herbe. Un peu d'inspiration entre deux inhalations, qui sait si le chef du Parti libéral ne trouvera pas la solution à tous les maux canadiens?

Cela dit, ce n'est surtout pas une raison pour vous mettre à fumer des joints, vous aussi. Pour quelques Strawberry Fields Forever et A Day in the Life composées sur le pot, combien de Itsy Bitsy Teenie Weenie Yellow Polka Dot Bikini et Aga dou dou? Chez la grande majorité des gens, le chanvre rend plus végétatif que productif.

Et c'est d'ailleurs ce sur quoi les conservateurs vont miser pour discréditer leur adversaire. Ils vont présenter Justin Trudeau comme le Cheech and Chong de la politique. Un être sous influence, incapable d'assumer les plus hautes responsabilités du pays. Mais ce Justin-bashing ne convaincra que les conservateurs eux-mêmes. Il suffit de faire un peu de démographie pour réaliser que la confession de quelques puffs ne scandalise pas grand monde. Les ados qui se sont roulés dans la boue de Woodstock ont maintenant 60 ans. Ça fait longtemps que le pot est légal dans leur tête. Et pour toutes les générations qui suivent, la mari, c'est le pot-pourri à papa. Une certaine odeur de nostalgie. Un apéritif qui rend les chansons de Jack Johnson meilleures.

Justin Trudeau a donc fait le savant calcul qu'il deviendrait plus hip en s'appropriant la cause des hippies. En assumant ses comportements délinquants, il veut incarner le nouveau politicien transparent.

Maintenant que nous savons que Justin est transparent, il lui importe de nous prouver qu'il n'est pas vide. Que son programme ne se limite pas à transformer le Canada en un grand Amsterdam. Après le pot, ça prendrait les fleurs. Des positions environnementales à l'avant-garde et des mesures concrètes pour favoriser une meilleure répartition de la richesse.

Cela dit, l'arrivée de Justin à la direction du Parti libéral est rafraîchissante dans le paysage convenu canadien. Il est à Harper ce qu'Oscar était à Félix dans The Odd Couple. L'antipode parfait. Harper a les cheveux en plâtre, Trudeau a les bouclettes au vent. Harper ne s'amuse jamais, Trudeau est trop heureux. Harper a le sex-appeal d'une roche, Trudeau a le sex-appeal d'une rock star. Harper répète sa cassette ad nauseam, Trudeau dit tout et son contraire. Ces deux-là dans un débat, ça va être la reine Élisabeth contre Dany Verveine. Un régal!

La politique canadienne s'annonce très réjouissante.

Et on n'aura même pas besoin de fumer pour trouver ça drôle.