Tant que les témoins de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction éclaboussaient la réputation de libéraux notoires tels Gérald Tremblay, Line Beauchamp, Pierre Bibeau ou Michelle Courchesne, le gouvernement péquiste trouvait que la juge Charbonneau accomplissait un boulot exemplaire.

Cette semaine, le nom de l'ancien ministre péquiste Guy Chevrette a été mentionné. Wô bec! On rit pus! Pauline Marois a mis en garde la commission Charbonneau de faire preuve de plus de prudence. Faut pas mettre la chevrette avant les boeufs!

Salir des rouges, c'est correct. Salir des bleus, faut faire attention. Que voulez-vous, un chum, c't'un chum! Quand c'est pas un chum, c'est pas grave, quand c'est un chum, c'est important. Si l'amour rend aveugle, l'amitié rend sourd. On ne veut pas entendre de vilaines choses à propos d'un ami. Et y'a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre.

La réalité d'une situation est toujours déformée parce ce que l'on ressent pour les personnes concernées.

Même chose pour les nominations partisanes. Quand l'adversaire nomme ses chums, c'est scandaleux parce que ce sont leurs chums. Quand c'est nous qui nommons nos chums, c'est normal. On n'est quand même pas pour nommer leurs chums.

Les observateurs auront beau dire que nous agissons exactement comme nos prédécesseurs, on se bouche les oreilles, en faisant lalalalalère.

Cela dit, ce qui me scandalise le plus dans les nominations partisanes, ce ne sont pas tant les nominations du parti au pouvoir que la réaction des partis dans l'opposition. C'est comme si René Homier-Roy critiquait Christiane Charrette de s'habiller toujours en noir. Tous les partis font ça depuis toujours.

Pensez-vous que Pauline Marois va nommer délégué-général à Paris, Jean Charest? Ou que lorsqu'il deviendra PM, Philippe Couillard nommera à la tête du nouveau CHUM, Amir Khadir?

Ce sera toujours, les copains d'abord.

Deux poids, deux mesures

Jeudi soir, lors du premier match de la série Montréal-Ottawa, Éric Gryba des Sénateurs a ramassé Lars Eller du Canadien, comme une souffleuse ramasse un flocon. Scène horrible. Il ne l'a jamais vu venir. Un tank! BANG! Pour MacLean, le coach d'Ottawa, c'était un hockey play, un plaquage viril dans la grande tradition de notre sport national. Pour Therrien, le coach de Montréal, c'était une tentative d'assassinat. Une même séquence, deux perceptions totalement différentes dictées par les liens d'équipes. Gryba est le chum de MacLean. Eller est l'ami de Therrien.

Si demain, le subtil White du CH fait partir la tête au talentueux Karlsson des Sens, MacLean et Therrien défendront des positions complètement inverses avec la même sincérité.

On ne s'en sort pas, la vérité est toujours teintée par la couleur de nos intérêts.

Que ta bande soit le PLQ, le PQ, le Canadien ou les Sénateurs, ton jugement sera toujours en faveur de ta gang. Les membres d'un clan sont une extension de nous-mêmes.

Au hockey, cette totale subjectivité se comprend. On joue un jeu d'enfant. Alors on y croit complètement. Ça fait partie de la convention. On s'habille pareil. Les vingt mousquetaires: un pour tous et tous pour un.

Mais que la politique soit réduite à des règles du jeu aussi primaires est décourageant. La fameuse ligne du parti, est-ce que quelqu'un pourrait la sniffer. L'objectif n'est pas de mettre une rondelle dans un filet, c'est de soigner, d'éduquer et de protéger un peuple. Pas juste les chums.

La politique ne devrait pas être l'art de s'emparer et de se maintenir au pouvoir. Ça devrait être l'art de rendre le pouvoir aux gens. D'offrir à chaque citoyen la possibilité de s'épanouir.

Tant que la politique sera une guerre de rivaux, elle favorisera un clan aux dépens de tous les autres.

Quand on appuie une commission ayant pour mission de faire le ménage, on l'appuie jusqu'au bout. Même si elle dévoile que dans notre coin aussi, tout n'est pas aussi propre qu'on veut le faire croire.

Madame Marois a vite compris son erreur. Elle s'est remise à faire son fameux moonwalk. Finis les reproches: «La commission Charbonneau doit continuer à travailler comme elle le fait».

Ce pas en arrière est un pas en avant.

La seule façon de mettre fin au copinage, c'est de traiter tout le monde en ami.

L'amitié intéressée rend sourd. La vraie amitié permet de se comprendre.