La fonction de maire dans notre beau Québec est en pleine crise.

Après Gérald Tremblay, maire de Montréal, Gilles Vaillancourt, maire de Laval, voilà que Richard Marcotte, maire de Mascouche, rend les clefs de sa municipalité. C'est le tour du chapeau des dirigeants qui perdent la tête. Les trois n'avaient plus aucune crédibilité pour mener leurs citoyens.

Que fait-on quand un rempart aussi important de la société est si solidement ébranlé? On revient à la base. On retourne aux sources. On essaie de comprendre pourquoi l'arbre a poussé si croche. On retrouve nos racines.

Le Québec a deux modèles de maire.

D'abord, le plus ancien, l'aïeul de tous les premiers magistrats des villes et villages du Québec: Séraphin.

Séraphin Poudrier, maire de son village des Pays-d'en-Haut, à la fin du XIXe siècle, tenait tous ses concitoyens par la bourse. C'était un prêteur sur gages qui avait amassé une fortune en exploitant les pauvres gens. Déjà vu...

Les aventures du maire de Sainte-Adèle s'intitulaient Un homme et son péché, cela pourrait être le titre de la biographie de plusieurs maires d'aujourd'hui. Séraphin contrôlait sa bourgade, en contrôlant les commerçants qui lui étaient tous redevables. En tant qu'agent des terres, il détenait le pouvoir sur les lots à consentir aux colons, et les échangeait contre des faveurs.

C'était le bon temps où le parti du maire ne prenait pas 3%, mais bien 50% de tout ce qui se faisait dans son coin. Pas besoin de partager avec la mafia, la mafia ne se rendait pas jusque-là. Les seuls noms un peu italiens dans la fresque de Claude-Henri Grignon sont Georgianna et Bidou.

Cette oeuvre romanesque fut le feuilleton le plus populaire de la province, au milieu du XXe siècle, soit durant la belle jeunesse de la plupart de nos élus actuels.

L'influence de la radio et de la télé est grande. Séraphin a servi de modèle à plusieurs âmes fragiles qui ont vu, dans le métier de maire, une bonne façon de faire la passe.

Malheureusement pour eux, la juge Charbonneau est plus expéditive que le curé Labelle qui, sans porter l'avare dans son coeur, ne l'a jamais traîné en justice. L'enfer allait s'en charger.

L'autre maire faisant partie de l'imaginaire populaire des Québécoises et des Québécois est Marilyn, l'héroïne de Lise Payette, au début des années 90.

Longtemps femme de ménage, la blonde Marilyn avait atteint le statut de mairesse de sa ville.

Tout le contraire de Séraphin, Marilyn était une mairesse intègre, consciencieuse, serviable, aidant ses électeurs avec toute l'attention d'une mère.

Si Séraphin a eu plusieurs disciples, les rejetons de Marilyn se font rares.

Les personnages bons ne marquent pas autant les mémoires que les personnages fourbes.

Les belles histoires des pays d'en haut ont sévi sur les ondes, avec des épisodes originaux durant 14 ans. Marilyn, durant trois saisons. Ça ressemble aux mandats des maires, les plus corrompus se maintiennent plus longtemps au pouvoir que les idéalistes.

Voilà pourquoi l'influence de Marilyn ne se fait pas encore sentir dans les hôtels de ville, pour ne pas dire dans les hôtels de passe.

Pourtant, des femmes et des hommes de ménage, c'est ce que ça va prendre pour nettoyer 200 ans de gestion à la Séraphin.

Le maire est à l'image de sa communauté. Mon maire, mon miroir. L'esprit de magouilleur n'est pas le monopole du plus haut magistrat. Il est présent dans la tête des petits fonctionnaires jusqu'aux plus gros entrepreneurs. C'est cette culture du grattage de dos qu'il faut changer.

Quel sera le nouveau profil du maire québécois?

Plus Marilyn que Séraphin.

Les prochains maires devront réaliser l'humilité de leur tâche.

Si la première ministre du Québec peut se prendre pour une présidente de la République, si le premier ministre du Canada peut se prendre pour la reine, le maire d'une ville ne doit se prendre que pour ce qu'il est: le serviteur des citoyens.

C'est un exécutant. Cela ne l'empêche pas d'avoir une vision et de grands projets, mais sans jamais oublier que la ville ne lui appartient pas, que c'est lui qui appartient à la cité.

Dépêchons-nous de trouver cette nouvelle race de dirigeants, car j'ai une petite angoisse.

On annonce une nouvelle version des Belles histoires des pays d'en haut pour le petit écran. Ça veut dire que toute une nouvelle portée de Séraphin remixés risque de voir le jour. On n'est pas sortis du rang.

Tofu à chien!