Le gouvernement péquiste a fait part, cette semaine, de son intention de décréter une hausse rétroactive des impôts pour les bien nantis. Cette mesure a déclenché un tollé.

Bien sûr, une hausse d'impôt, ce n'est jamais accueilli avec des ballons et des confettis. Mais ce qui fait disjoncter le peuple chic, c'est la rétroactivité.

Si le Parti québécois (PQ) avait annoncé qu'il allait augmenter les impôts des riches en 2013, la réaction aurait été beaucoup moins dramatique.

Il ne faut pas jouer avec le passé. C'est sacré.

Revenir en arrière, c'est tromper.

De janvier à septembre, les gens ont payé leurs cotisations conformément aux directives du gouvernement en place. Avec le sentiment de payer à la société ce qu'ils lui devaient. Et voilà qu'un nouveau gouvernement arrive et nous dit que ce n'était pas assez. De quel droit? On n'élit pas un gouvernement pour qu'il dirige notre passé. On l'élit pour qu'il s'occupe de notre présent et de notre avenir.

Pauline Marois ne peut pas sauter dans sa De Lorean, mettre le compteur au 1er janvier 2012 et changer la réalité de ses concitoyens.

Une horloge n'est pas une casserole, quand on tape dessus, on la brise.

De janvier à septembre, les contribuables ont géré le budget, selon les factures qu'ils avaient à payer. Les sommes de plus qu'on leur réclame pour des mois déjà vécus se sont peut-être envolées en vacances dans le Sud, en télé à écran géant ou en carrés Hermès.

Comprenez-moi bien, je ne suis pas contre le fait de faire payer les riches. Au contraire. Mais faisons-les payer aujourd'hui. Pas hier.

Sinon, ce n'est plus du jeu. Tant qu'à faire, pourquoi ne pas augmenter les taxes des biens déjà achetés? Vous avez payé 500$ votre iPhone 4, bien on va vous en demander 20$ de plus, deux ans plus tard.

Dans ce monde jamais sûr, il faut qu'il nous reste quelques certitudes. On ne sait pas ce que l'avenir nous réserve, au moins, laissez-nous l'assurance de savoir ce que le passé nous a réservé.

La rétroactivité pour dédommager des gens lésés, O.K. La rétroactivité pour résoudre des budgets mal administrés, bien non.

C'est comme les fins finauds qui, durant un match de Scrabble, décident tout d'un coup qu'on peut accepter les noms propres, parce qu'ils pourraient en faire un payant. Non, pas question! Attends la prochaine partie!

C'est peut-être parce que le PQ a peur de ne plus être là en 2013 qu'il imagine des mesures rétroactives. Il faudrait qu'il se calme. Le PQ n'était pas là en janvier 2012. Et jamais un règlement ne devrait pouvoir décréter qu'il y était. C'est trafiquer l'Histoire.

C'est un défaut des gens qui adoptent les règlements. Ils se prennent pour des superhéros aux pouvoirs illimités. Comme Superman faisant tourner la planète à l'envers pour revenir à l'instant précédant la mort de Lois Lane. Ils pensent qu'ils peuvent tout contrôler: présent, avenir et passé.

L'homme n'a aucun contrôle sur son passé, et c'est pour ça qu'il le hante tellement. Impossible de le changer. C'est pour ça qu'il est son pire ennemi.

Alors il ne faut pas laisser personne jouer dedans. C'est trop dangereux. La rétroactivité est radioactive.

Fonctionnaires et dirigeants ne peuvent se promener dans les corridors du temps, comme bon leur semble.

Prenez Lance Armstrong et ses sept phénoménales victoires au Tour de France. Les organisations de cyclisme auront beau les invalider, les rayer, les supprimer de leurs sites internet, elles ont existé et elles existeront toujours. Armstrong, les deux bras dans les airs, pédalant sur les Champs-Élysées, c'est une image qu'aucune sanction ne pourra effacer de notre mémoire. L'admiration que l'on vouait à ce survivant du cancer a inspiré bien des gens à se battre, à se dépasser, à guérir et à gagner à leur tour. Ces bienfaits non plus ne s'effaceront pas.

Au présent, Lance Armstrong est un tricheur. Mais au passé, il a été un exemple. Le détrôner ne changera rien à ça. En ne le dénonçant pas au moment où il cumulait les exploits, on a laissé le mythe se créer. Le mythe est maintenant plus fort que les règles.

Surtout que si les bonzes du vélo ont fermé les yeux durant les années de domination de Lance Armstrong, c'est peut-être parce que leur sport avait trop besoin de lui. On laissait faire parce que ça rapportait trop. C'est facile, maintenant qu'il ne nous est plus utile, de déboulonner sa statue. Quelque part, ils ont été les complices de sa façon de gagner. Il ne faut pas l'oublier.

Avis à tous ceux qui adoptent des règles, des lois et des taxes: occupez-vous donc du présent. Assurez-vous que les champions d'aujourd'hui sont propres, assurez-vous que les citoyens paient ce qu'il est juste de payer.

Laissez notre passé tranquille.

C'est la seule chose qui nous appartient au complet.

Ne venez pas nous en prendre une partie.

Vous avez notre présent et notre avenir entre les mains.

C'est déjà trop.