Selon les informations glanées par La Presse, la campagne électorale débutera le 1er août. Dans deux semaines. En plein été. Ça n'arrive pas souvent. Pour des raisons évidentes: l'été, les gens ont le cerveau léger. Pour ne pas dire déconnecté.

L'émission de télé la plus intello est Sucré Salé. L'été, on n'écoute pas Brel, Desjardins, Cohen, on écoute Zabé, La Compagnie Créole, LMFAO. On ne lit pas Proust, Nietzsche, Dostoïevski, on lit Paris Match, Spirou, les étiquettes de Popsicle.

On est en vacances. Le mot le dit: vacances, vacuité, vide. Vous me direz que c'est synonyme de la plupart des programmes politiques. Peut-être. Mais il leur manque le gène du plaisir pour devenir une frivolité estivale.

Pourtant, il semble bien que les maringouins ne soient pas les seuls à vouloir gâcher nos vacances. Les taons de la politique vont aussi nous tourner autour.

Après tout, quoi de mieux pour faire diversion aux scandales de la construction que de déclencher des élections durant les vacances de ladite construction?

Le premier ministre Charest s'est sûrement dit: tant qu'à me faire suer avec un scrutin, je vais faire suer tout le monde.

Un bain, en pleine canicule, ça rafraîchit. Un bain de foule, en pleine canicule, c'est Tchernobyl. Veut-on vraiment voir les cernes au-dessous des bras de nos députés préférés? Et puis comment vont-ils s'habiller? Surtout que l'été, l'humain ne s'habille pas, il se déshabille. Veut-on vraiment voir ça?

En automne, le politicien revêt un imper sobre, un complet sombre et l'affaire est ketchup. Mais à 35 °C, qu'est-ce qu'il fait, l'homme d'âge mûr? Il fait dur. En chemise, le candidat aura l'air snob. En t-shirt, le candidat aura l'air B.S.. Il reste le petit polo, ça, ça fait propre. Mais le petit polo est toujours bien ajusté, révélant la bedaine de bière ou de pots-de-vin. De plus, le petit polo a la fâcheuse tendance à mouler les seins masculins. Jean Charest et François Legault n'ayant pas les abdos d'Olivier Dion, les stylistes auront un rôle de première importance dans la prochaine campagne.

N'oublions pas le bas. Que feront-ils pour le bas? Je ne parle pas seulement du bas qu'il faudra éviter de mettre dans une gougoune, je parle de toute la partie inférieure du corps politique. Le pantalon d'habit fait trop mononcle, le jeans trop syndicaliste, la chaussure en cuir pétant trop bourgeoise, la botte trop régime policier. Il faut donc se résigner à porter le bermuda, les pieds dans des sandales CROC, comme tous les hommes que l'on croise sur les terrasses par temps chaud. Prendre une sangria avec un bermuda en sandales Croc, ça va. Mais veut-on vraiment remettre l'avenir du pays à un homme en bermuda et en sandales CROC? Pas sûr.

Et Pauline, dans tout ça? Pauline, toujours si bien mise, dans ses tailleurs chic, elle va devoir se dénuder un peu. Pas le choix, c'est ça, l'été. Mais jusqu'où? Sans devenir une girl du Crazy Horse, il lui faudra bien respirer. Surtout si elle ne veut pas être affublée d'une image de constipée, mêlée dans ses casseroles. La problématique est grande. Des robes fleuries, c'est joli, mais ça fait plus paysanne que chef d'État. Le haut sans bretelles est dangereux, un Janet Jackson est vite arrivé. Pourvu qu'il pleuve.

La garde-robe du politicien et de la politicienne n'est pas faite pour les grandes chaleurs. Il risque de se commettre plusieurs crimes de bon goût. Non seulement l'électeur n'aura pas envie de regarder ses représentants, mais il aura encore moins envie de les entendre. On ne débat pas durant les grandes chaleurs. Même les carrés rouges sont au vert. Tout le monde est ailleurs. Tout le monde est au neutre.

Tout ce qui intéresse l'être humain, en juillet et en août, c'est sa faim. Il n'a qu'un seul sujet de conversation: la bouffe. On jase de ce qu'on va manger. Le matin, on jase de ce qu'on va manger pour dîner, l'après-midi, on jase de ce qu'on va manger pour souper, le soir, on jase de ce qu'on va manger demain. C'est tout.

Ne venez pas nous parler péréquation, restriction et taux d'imposition, on veut juste savoir où sont les cornichons.

La meilleure façon pour un politicien de se faire élire, l'été, c'est la méthode Nouveau Parti démocratique. Partez en vacances! À Old Orchard, Cape Cod ou Las Vegas, mais laissez-nous tranquilles! On va voter pour celui ou celle qui va le moins nous taper sur les nerfs. La personne qui ne gâchera pas le paysage fleuri avec sa grosse face sur sa grosse pancarte. La personne qui ne sonnera pas en avant pendant qu'on se fait bronzer nu en arrière pour nous remettre son petit dépliant. La personne qui, surtout, ne décidera pas de venir voir en arrière, si on est là, son petit dépliant dans les mains.

Vous demandez ce que le Québécois veut? Il veut la paix.

Bien sûr, quand la cigale aura fini de chanter, elle risque de se trouver fort dépourvue avec le nouveau gouvernement élu.

Mais il aura beau nous taxer, nous réglementer, nous voler, il y a une chose qu'il ne pourra jamais nous enlever. C'est l'été.

Vaudrait mieux ne pas essayer.