Il y a à peine trois jours, le Canadien de Montréal connaissait le pire début de saison de son histoire. Une seule victoire, sept défaites, en huit matchs. Les descendants de Maurice Richard croupissaient au dernier rang de leur conférence. Les derniers leaders à nous avoir conduits à la Coupe Stanley, Serge Savard et Jacques Demers, s'étaient fait virer pour moins que ça, en octobre 1995.

On ne donnait pas cher de la peau de Pierre Gauthier, directeur général, et encore moins de celle de Jacques Martin, entraîneur. Quelqu'un devait payer pour les déboires du club et, puisque les joueurs sont plus payés que payeurs, c'est un membre de la direction qui allait être saigné.

Mercredi soir, quelques minutes avant le début du match contre Philadelphie, Pierre Gauthier décide de tenir un point de presse. L'heure est grave! Gauthier croise aussi souvent les journalistes que la comète de Halley croise la Terre. Comme prévu, il annonce l'identité du veau sacrifié. Il s'agit de... Perry Pearn.

Perry qui? Perry Pearn. Si vous ne connaissiez pas cet homme, ne croyez surtout pas que vous êtes un mauvais fan, car je ne serais pas surpris que certains joueurs du Canadien ne le connaissaient pas non plus, tant il était discret et effacé. C'était l'entraîneur adjoint responsable des unités spéciales, secteur assez amoché cet automne.

Bien sûr, Pierre Gauthier n'a pas révélé les raisons du congédiement de P.P. Seules les baies vitrées sont transparentes au Centre Bell, et encore, maintenant il y a de la pub dessus. Le directeur général a simplement dit qu'il avait fait ce geste pour changer la philosophie de l'équipe. Ah bon... Quelle est la philosophie du Canadien? La métaphysique? Markov existe-t-il? L'ontologie? Pourquoi Gomez existe plutôt que rien? Le nihilisme? Pourquoi Jacques Martin ne sourit jamais?

Nous n'en savons rien, personne n'ayant osé poser ces questions existentielles au DG. Ce que l'on sait, c'est que l'effet Pearn fut salutaire pour le Tricolore. Le départ du réservé adjoint, annoncé dramatiquement avant le début d'un match, a mis tout le monde sur le qui-vive. De l'extérieur, le geste semble anodin, mais de l'intérieur, il devient capital. Ça secoue et ça rassure en même temps. Ça secoue de voir quelqu'un qui partage notre quotidien écoper, et ça rassure de savoir que ce n'est pas nous.

L'important n'est pas de mettre le doigt sur le problème, c'est de mettre le doigt sur quelque chose. Car rien ne fait autant de dégâts que l'invisible. En pointant quelque chose, même si ce n'est qu'une infime partie d'un gros problème, on contente l'esprit.

Depuis que Perry a péri, le CH est invaincu, battant coup sur coup ses deux bêtes noires, les Flyers et les Bruins.

Gloire à Pierre Gauthier qui vient de nous donner un cours de gestion de crise digne de Mirador.

Pourquoi couper la tête quand l'ablation du petit doigt aura le même effet?

Les membres du Parti québécois ont tellement à apprendre de cet épisode. Chaque fois que les péquistes sont insatisfaits, ils veulent mettre dehors le chef. Bye-bye Lévesque! Bye-bye Johnson! Bye-bye Parizeau! Bye-bye Bouchard! Bye-bye Landry! Bye-bye Boisclair! Et c'est autour du bye-bye Marois! Où est le Perry Pearn péquiste quand c'est le temps? Le sous-fifre permettant de calmer la grogne des membres et de sauver la job de la grande boss? Probablement déjà parti. C'est ça, le problème avec le PQ, les Perry Pearn démissionnent avant qu'on les expulse. Ce qui met toute la pression sur le chef. Imaginez si, à la suite de la série de défaites, tous les adjoints de Martin avaient démissionné en bloc! Ça ne se fait pas dans le sport, mais ça se fait au PQ, et c'est son grand défaut. Ça prend quelqu'un pour changer la philosophie des souverainistes, malheureusement, Pierre Gauthier n'accepterait pas un tel mandat.

La stratégie du pion sacrifié, tous les rusés la connaissent. Je peux déjà vous révéler le nom de celui qui sera accusé, à la suite des travaux de la commission d'enquête sur le monde de la construction. Perry Pearn. Un petit Perry Pearn, maire d'un village, collecteur de parti, ou quelconque entrepreneur sera montré du doigt par la juge Charbonneau. Et soudain, c'est tout le monde de la construction et de la politique qui sera purifié.

Qui fut le responsable du scandale des commandites? Perry Pearn. Qui fut le responsable de l'effondrement du viaduc de la Concorde? Perry Pearn. Qui fut le responsable de la corruption à l'hôtel de ville de Montréal? Perry Pearn. Qui est responsable de la faillite de la Grèce? Perry Pearn. Qui est responsable du trou dans la couche d'ozone? Perry Pearn.

C'est toujours la faute d'un Perry Pearn. Ainsi va la vie. Jusqu'au jour où on est en rupture de stock de Perry Pearn. Alors là, il faut assumer. C'est à nous d'y passer. C'est là que l'on constate à quel point Perry Pearn a eu mal, quand c'est à notre tour d'avoir mal.

Bonne chance au CH.

Bon courage, Perry Pearn.