Est-ce que vous comprenez quelque chose à l'économie? Oui? Je ne vous crois pas. Je sais que les lecteurs de La Presse sont hautement scolarisés, mais ça ne fait rien, soyez francs, vous n'y comprenez rien. Et le ministre des Finances n'y comprend rien non plus. Et le premier ministre, encore moins. Pourquoi? Parce qu'il n'y a rien à comprendre.

L'économie, c'est n'importe quoi. L'économie est une fumisterie. L'économie, c'est comme Call-TV. Ça remplit du temps. C'est vide de sens. Ça raconte tout et son contraire pendant qu'on se fait fourrer.

Le prix du pétrole monte. C'est effrayant pour l'économie. Le prix du pétrole baisse. C'est effrayant pour l'économie. Le prix du pétrole ne bouge pas. C'est effrayant pour l'économie. Ça va toujours mal. Aujourd'hui, on nous dit qu'avant ça allait bien, mais quand ça allait soi-disant bien avant, on nous disait que ça allait mal.

Quand ce n'est pas la récession, c'est l'inflation, quand ce n'est pas l'inflation, c'est la dette, quand ce n'est pas la dette, c'est encore la dette. Ça va toujours mal.

Wall Street a vécu l'une des pires journées de son histoire, cette semaine. Pourquoi? À cause de la Grèce. Comprenez-vous quelque chose à ça? Le cours du souvlaki est en baisse. La ruine perd de la valeur. Pourquoi ça déstabilise New York?

Je sais, c'est plus compliqué que ça. La faillite de la Grèce fragilise la monnaie européenne, l'euro. C'est pour ça que les pays riches de l'Europe comme l'Allemagne ont donné 1000 milliards à la Grèce pour la sortir du pétrin. Mille milliards! Mille Stades olympiques! Cent soixante-six échangeurs Turcot! Ça te rénove une acropole...

Qu'est-ce qu'on apprend aujourd'hui? Que l'Allemagne serait aussi au bord du gouffre? Donnes-tu 1000 milliards à ton voisin quand ça ne va pas bien? Comprenez-vous quelque chose? Sûrement pas. Qui va aider l'Allemagne? Le Liechtenstein?

Je sais, je vais recevoir plein de courriels de gens ferrés en économie qui vont tout m'expliquer avec des mots pas trop longs et des exemples simples pour aider le nul que je suis à piger les complexités économiques. C'est du baratin. Les experts ne comprennent rien, c'est juste qu'ils font semblant de comprendre. Les experts ne pouvaient pas prédire la crise. Les experts ne pouvaient pas prédire quand la crise allait finir. Et les experts ne savent pas si nous sommes encore en crise ou pas. Méchants experts!

C'est comme si Joël Bouchard ne savait pas non seulement qui allait gagner entre le Canadien et les Flyers de Philadelphie cet après-midi, mais qui avait gagné jeudi. Il serait encore en train d'analyser les chiffres. Montréal 5, Philadelphie 1. Est-ce que ça veut vraiment dire que Montréal a gagné? Pas nécessairement. Les chiffres peuvent cacher quelque chose. Mais quoi? Ça dépend de la réelle valeur du 1 de Philadelphie et du 5 de Montréal... Zzzzzz...

Pensez-vous vraiment que le président du conseil italien, Silvio Berlusconi, entre deux fêtes d'anniversaire de ses maîtresses de 18 ans, a le temps de lire des traités pour se mettre au fait de l'économie mondiale? Ben non! Silvio, il sait comment faire du cash. C'est tout ce qui compte. Il s'en fout, de l'économie. Pourvu qu'il puisse flamber son cash. L'Italie est au bord du gouffre, il s'en fout, la vita è bella. Et une tournée de champagne. Quand y en a pus, y en a encore!

Allons dans le dictionnaire trouver la définition du mot économie: «Art d'administrer un bien par une gestion prudente et sage afin d'obtenir le meilleur rendement en utilisant les moindres ressources.»

C'est bien ce que je pensais.

C'est une vision de l'esprit. Le Canada est dans le rouge. Le Québec est dans le rouge. Montréal est dans le rouge. La gestion prudente et sage, mon oeil!

L'économie est un bonhomme Sept-Heures. Ça permet à ceux qui font du cash de dire à ceux qui n'en font pas d'en faire moins parce que l'économie va mal. Ce n'est pas l'économie qui va mal, c'est le monde.

Où va l'argent? L'argent qu'on donne à l'impôt, à l'Afrique, à Haïti, à la Grèce, aux scouts, il va où? Il faudrait mettre un GPS sur nos billets de banque. Suivre chaque sou dépensé. J'ai l'impression que ça finirait toujours dans les mêmes poches. Dans les poches de monsieur Économie, qui sirote son drink dans sa piscine chauffée.

Vous pouvez multiplier les conférences, les sommets, les graphiques avec des flèches qui montent et descendent, dire que l'indice Dow Jones a perdu 15 points et que l'indice Earl Jones a gagné 8 points, vous ramez, comme la fille de Call-TV. Pendant ce temps-là, elle ne prend pas d'appel. Pendant ce temps-là, le problème ne se règle pas. Pendant ce temps-là, le cash s'accumule au même endroit.

Peut-être que l'hégémonie de l'économie sur tout, sa préséance dans tous les domaines a fait son temps. Il faudrait parler moins d'économie et plus de la vie. Moins de chiffres et plus de noms. Pierre, John, Dimitri, Vladimir, Marcello, Mohammed, vous et moi.

Et si notre valeur ne se mesurait pas en argent?