Il faut, bien sûr, faire la queue. Et celle-là, aucune vedette québécoise ne peut passer devant. Il faut au moins être Halle Berry pour bénéficier d'un passe-droit.

Arrivé près de la barrière, il faut mettre tous ses effets dans de petits paniers en plastique. Fouiller dans ses poches, en retirer ses clefs, son porte-monnaie, son paquet de gomme et son petit change. Enlever sa ceinture et ses souliers. On se sent comme un prisonnier. Pas seulement à cause des gestes que l'on fait, mais surtout à cause des regards que l'on sent sur soi. Les agents de sécurité nous observent comme si on était tous coupables. Comme si on était tous ben Laden. Pourtant, on est tous innocents.

 

Hier, il n'y avait que des innocents à Dorval. Avant-hier, aussi. Et la semaine dernière. Et l'autre avant. Alors les agents de sécurité pourraient nous sourire un peu. On est du bon monde. Si on a une bombe dans nos culottes, ils vont la trouver même en souriant. On a payé des centaines de dollars pour prendre l'avion, pas pour se faire traiter en bandits de grand chemin.

Le pire, c'est quand on a le malheur d'avoir oublié un flacon de Liquid Paper ou une canette de jus d'orange dans son bagage à main. Ils nous grondent. Nous mettent au coin. Un peu plus, ils nous gifleraient pour ne plus qu'on recommence.

Prendre l'avion n'est plus un plaisir. Prendre l'avion est une épreuve. On sait bien que c'est pour notre bien. Pour ne pas que notre Boeing finisse dans le Chrysler Building. Mais tout ce dispositif de sécurité pourrait être installé avec plus d'humanité. De courtoisie. Fouillons dans la bonne humeur. On s'en va dans le Sud, pas en prison.

Et voilà que bientôt, il y aura une autre bébelle pour nous humilier davantage. Un scanner corporel. Les agents de sécurité nous regardaient déjà avec un peu de mépris, imaginez quand ils vont nous voir tout nus. On ne pourra pas tomber plus bas dans leur estime. C'est sûr que, sur leur écran, ils ne nous verront pas tout nus comme des vedettes de films érotiques, ils vont plutôt nous voir tout nus comme les créatures d'Avatar. On va être bleus et transparents. Mais c'est tout nu quand même. Et ils devront nous examiner pour s'assurer que notre bourrelet n'est pas une grenade, que notre pénis n'est pas un microdétonateur.

Il faut vouloir boire son piña colada en République dominicaine pour aller se faire bombarder d'ondes dans une petite cabine. Paraît que les rayons ne sont pas néfastes pour la santé des gens. On la connaît, celle-là. La cigarette non plus: c'était censé nous détendre. Et la MIUF, bien isoler nos maisons. Dans 50 ans, ils vont dire: «Non mais ce qu'ils étaient cons, en 2010, passer sous des rayons pour prendre l'avion, ils pouvaient bien mourir à seulement 80 ans.»

Est-ce que Barack Obama va passer à travers un scanner corporel avant de monter à bord d'Air Force One? Ça m'étonnerait. Le président des États-Unis prend l'avion comme on prend un taxi. Sans comptoir, sans fouille, sans déshabillage, on embarque, pis ça part. Une limousine le reconduit sur la piste. Il monte les petites marches, se retourne pour saluer l'Amérique, et il décolle. Alors des mesures de sécurité draconiennes dans les aéroports, il peut en imposer, il ne les vivra jamais. En tout cas, pas avant un bout.

Je sais bien que ce n'est pas la faute d'Obama. Que c'est la faute des terroristes. Aussi, je vais m'adresser à eux. C'est quoi votre fixation avec les avions? Vous manquez d'imagination? Neuf attentats sur 10 ont lieu dans des avions. Les premiers terroristes des années 70 détournaient les avions; 40 ans plus tard, vous les faites sauter. Qu'est-ce qu'ils vous ont fait, les avions, pour que vous vous en preniez à eux?

Les passagers des bateaux, ils ont la paix. À part de faire attention pour ne pas embarquer dans celui d'Accurso, ils ne courent aucun danger. Il y a bien quelques trains qui ont goûté aux pratiques d'Al-Qaeda, mais rien pour instaurer une paranoïa. Et pourquoi toujours vouloir punir les voyageurs? Les gens qui restent chez eux sont des impurs, aussi.

Prendre l'avion est rendu un cauchemar à cause de vous. En plus de ça, le dernier attentat était raté... Imaginez quand vous allez en réussir un! La psychose que ça va déclencher... On va se faire tester la prostate même pour un vol local. La prochaine étape, c'est de nous anesthésier avant chaque vol. Une petite dose de Propofol avant le départ, on dort jusqu'à Paris ou Tokyo, et le tour est joué.

Oussama, lâche les avions! Détends-toi! Fais une croisière!

Les hommes du passé croyaient que les hommes de 2010 se déplaceraient à la vitesse de la lumière dans des voitures volantes. En quelques secondes, on se rendrait à New York ou à Rio. Ce n'est pas ça. En 1990, on arrivait à l'aéroport à midi et demi, on prenait le vol de 13h et on était dans un taxi jaune filant vers Central Park à 14h. Aller à New York prenait une heure et demie. En 2010, on arrive à l'aéroport à midi et demi, on prend l'avion à 16h30 et on arrive à JFK à 17h30. Aller à New York prend cinq heures.

Au fond, le voyageur du futur, le voyageur de 2010, va à New York en cliquant sur Google. Ça prend une seconde. On voit tout. Mais ça ne sent pas le hot-dog steamé. C'est pas pareil. Allez, elle est où, la file pour se mettre tout nu?