Demain, c'est la finale de la Coupe Grey opposant les Alouettes de Montréal aux Roughriders de la Saskatchewan. Saskatchewan, quel mot exotique. Et rare. Combien de fois, en 2009, ai-je entendu le mot Saskatchewan? En comptant les fois où j'ai écouté la toune des Trois Accords, sur mon iPod, dix fois mettons. Bruno Pelletier n'est pas allé triompher en Saskatchewan. Occupation double n'a pas envoyé de gars et de filles en escapade d'amoureux en Saskatchewan. Bruno Blanchet n'a jamais raconté de péripéties avec les tribus de la Saskatchewan. L'hélicoptère TVA ne survole jamais la Saskatchewan. Air Transat n'offre jamais de forfait pour aller visiter la Saskatchewan.

L'Afghanistan fait plus partie de notre quotidien que la Saskatchewan. On ne sait pas qui est le PM de la Saskatchewan. On n'est pas capable de nommer trois villes de cette province. On ne connaît personne qui est déjà allé là. Pour les Québécois que nous sommes, la Saskatchewan n'existe pas. Sauf demain. Demain, je vais entendre le mot Saskatchewan au moins une centaine de fois.

 

La Saskatchewan pourrait nous surprendre...

La Saskatchewan a décidé de botter le ballon...

Les partisans de la Saskatchewan sont très bruyants...

La Saskatchewan a réussi deux interceptions...

Demain, la Saskatchewan va être New York, Paris, Londres. Demain, la Saskatchewan va être un endroit dont on va parler. C'est ça, la beauté du football canadien. Ça nous incite à nous regarder. Au lieu d'avoir une vision verticale, nord-sud, dirigée vers les États-Unis, on adopte une vision horizontale, est-ouest, dirigée vers le Canada. Le beau grand Canada. Avec ses champs de blé grands comme la Saskatchewan.

La Coupe Grey est le seul événement qui rallie tous les Canadiens. Durant les fêtes du 1er juillet, les Québécois sont occupés à déménager. Durant les visites du prince Charles, les Québécois sont occupés à rester chez eux. Mais demain soir, une bonne partie des Québécois va faire la même chose que la majorité des Saskatchewanais: ils vont regarder un événement sportif. Pas le Super Bowl, que toute la planète regarde. Pas les Jeux olympiques, que toute la planète regarde. Pas la Coupe Stanley, que quelques Américains regardent aussi. Non, un match de football canadien que seulement les Canadiens regardent. Une célébration locale seulement pour nous, qui n'intéresse que nous. Et personne d'autre.

La Ligue canadienne de football a réussi ce qu'aucun gouvernement canadien n'a jamais réussi. Trouver une harmonie canadienne. Et le terrain d'entente, c'est le terrain de football. Le Québec n'a pas ratifié la Constitution canadienne, mais Montréal a ratifié la constitution de la LCF.

Bien sûr, la LCF est surtout la CFL. Une ligue d'anglophones dirigée par des anglophones, en anglais. La Coupe Grey est avant tout le party des boys de l'Ouest. Des westerners. Le francophone prend sa petite bière dans son coin. Mais c'est pas grave. Parce qu'au football canadien, Toronto est poche. Et ça fait du bien à tout le reste du Canada. À l'ouest comme à l'est de Toronto. Aux cowboys et aux grenouilles. Demain, la Saskatchewan et le Québec seront plus big que l'Ontario. Faut en profiter pendant que ça passe.

La Coupe Grey, c'est la fête du Canada profond. Toronto est ailleurs. Toronto est aux États. Toronto est déjà dans la NFL. Tellement trop gros pour la Ligue que sa tête ne passe pas entre les deux poteaux. Et le ballon non plus. Demain, c'est l'heure de gloire des plus petits: Regina (pour ceux qui ne le sauraient pas, c'est une des deux villes de la Saskatchewan) et Montréal (pour les gens de la Saskatchewan, Montréal est une des deux villes du Québec, l'autre étant Westmount, bien sûr). Montréal, qui a déjà eu des idées de grandeur. Montréal qui a déjà eu une équipe de baseball majeur. Montréal qui a déjà rêvé au football américain, mais qui se contente maintenant de la Ligue canadienne. C'est plus dans nos moyens. Et surtout, on est super bons.

Si on perdait, ça ferait longtemps que la CFL ne nous intéresserait plus. Ça ferait longtemps que les partisans auraient abandonné leur équipe. Mais les Alouettes gagnent. Mais les Alouettes sont hot. Alors vive le football canadien! Vive la Saskatchewan! Mais que nos Américains soient meilleurs que les leurs! Et à nous, la Coupe Grey!

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