Le maire Tremblay a gagné ses élections. Quel exploit! Il faut quand même le reconnaître. Gérald est fait en peau de canard. Tout lui glisse sur le dos. Jamais une campagne électorale n'a vu exploser autant de scandales. Bang! Bang! Bang! Ça pétait de partout. Dans chaque nid-de-poule à Montréal, il y a un scandale. Le disque dur de la ville est corrompu, mais ce n'est pas Louise Harel qui va le redémarrer. No, my darling! C'est le bon maire Tremblay. Celui qui est là avant les scandales, celui qui est là durant les scandales, celui qui sera là après les scandales. L'insubmersible maire Tremblay. Il roule sur son Bixi et se faufile partout. Une bétonneuse vient pour l'écraser, woups, il pédale un peu et passe à côté.

Pourquoi le maire Tremblay a-t-il résisté à une pandémie de corruption A1 qui aurait emporté 99% des politiciens? À cause de sa face. De sa bouille. Le maire Tremblay a une face d'innocent. Il ne peut pas être coupable. Regardez-le. Le regard doux, les yeux rieurs, le nez massif, la petite mèche blonde, les tempes blanches, la bouche longiligne. Le maire Tremblay a l'air d'un dessin de Charles M. Schulz. Le maire Tremblay est Charlie Brown devenu adulte. Se méfie-t-on de Charlie Brown? Non. Soupçonne-t-on Charlie Brown de vouloir rouler ses petits amis? Ben non! Lucy, peut-être, mais pas le bon vieux Charlie Brown.

Dans le rôle du magouilleur, le maire Tremblay n'avait pas le physique de l'emploi. Vincent Lacroix, oui. Gérald Tremblay, non. À côté des grosses manchettes criant aux scandales, il y avait ce visage de bon monsieur aidant une vieille dame d'Outremont à traverser la rue. C'est le faciès du maire Tremblay qui a atténué toutes ces crises, et qui lui a permis de se faufiler entre ses deux adversaires.

Quand le maire Tremblay répétait qu'il n'était pas au courant, on le croyait, il n'a pas l'air d'un gars au courant.

Dans la tourmente du Watergate, quand le président Richard Nixon apparaissait sur les écrans pour dire qu'il n'était pas un crook, qu'il n'était pas un croche, son visage disait tout le contraire. Il ressemblait aux méchants de la série Dragnet ou aux gangsters dans Les incorruptibles. Le dos rond, le regard noir, les bajoues tombantes, plus Nixon se montrait pour plaider son innocence, plus il convainquait tout le monde de sa culpabilité.

On le sait tous, la politique est une affaire d'image. Connaît-on vraiment Jean Charest, Stephen Harper, Barack Obama? Non. On les devine en se fiant à ce dont ils ont l'air, sur ce qu'ils dégagent.

Si Barack Obama ressemblait à 50 Cent, il n'aurait pas rallié la majorité de la population américaine. Son élégance et son charisme ont convaincu plus de gens que son plan économique.

Il faut l'avouer, les élections c'est comme le tapis rouge d'Occupation double. Les politiciens défilent, et nous on est comme les filles, on passe nos commentaires, on les juge sur ce que l'on voit.

Bergeron??? Il a l'air un peu bizarre.

Harel??? Elle a l'air fatiguée.

Tremblay??? Il a l'air d'un bon papa.

À défaut de trouver l'étalon qui enflamme les coeurs, les filles ont choisi la figure paternelle. Un peu gâteau. Celui qui ne refusera pas de nous passer les clés du char. Celui qui sera facile à embobiner. Celui à qui on pourra cacher aisément nos mauvais coups.

De toute façon, on ne peut pas dire que les Montréalais avaient l'embarras du choix. Ils avaient plus l'embarras du manque de choix. Un candidat énergique et en verve aurait sûrement réussi à profiter de la conjoncture scandaleuse pour tasser le maire Tremblay. Un Eliot Ness. Un Patrick Lagacé. Mais il n'y en avait pas sur la liste. Le timing était parfait pour qu'un vent de fraîcheur balaye la ville, mais il n'y avait personne pour le souffler. Alors les Montréalais ont préféré garder leur sapin sent bon qui réussit à masquer, tant bien que mal, les odeurs de corruption.

Espérons maintenant que Charlie Brown va nous surprendre. Qu'il va mettre son pied à terre, cesser d'être la naïve victime et assainir son administration. Le maire Tremblay doit sa troisième vie à son visage inoffensif, à sa classe et à sa gentillesse. Des qualités parfaites pour un ambassadeur ou un gouverneur général, mais il est maire. C'est lui qui mène. C'est lui qui est responsable. Le temps est venu de le prouver. Good luck, Charlie!