J'avais l'oeil sur le chandail du Canadien en grosse laine, avec le C du capitaine et un lacet blanc au collet. Un objet qui parle fort à plusieurs d'entre nous.

Le chandail du capitaine Émile Bouchard vaut plusieurs milliers de dollars et, pour une fois, je comprenais mieux les collectionneurs.

Après des réunions de famille sans doute déchirantes, la famille d'Émile Bouchard a décidé de mettre aux enchères les souvenirs du grand hockeyeur, homme d'affaires, ancien président des Royaux de Montréal, leader de communauté et père d'une grande famille.

Sa veuve Marie-Claire avait délégué trois de ses fils, hier, pour présenter une partie de la collection aux médias dans le joli Écomusée du fier monde de la rue Amherst. La famille a connu ce coin de la ville, où se trouvait le restaurant familial. Les cinq enfants y ont tous fait la plonge et autres menus travaux. Jean s'est baigné au musée, qui était alors un bain public.

Pierre, qui a quelques bagues de la Coupe Stanley lui-même, explique la décision de la famille: «Mon père a toujours pensé que ses souvenirs devraient aboutir dans un musée. Maintenant, certains appartiendront à des collectionneurs, des gens qui vont en prendre soin. Certains peuvent faire des dons à des musées.

«Nous sommes cinq enfants et parfois, il y a un objet qu'on veut tous. Ma soeur aurait tout pris... ça devenait compliqué.

«Personnellement, je suis surtout attaché aux photos. Nous avons gardé certaines choses qui nous tenaient à coeur.»

Son frère, Émile junior: «Ma mère n'est pas venue, tout ça la rend trop nerveuse. Elle va toujours bien, elle a un peu de problèmes aux genoux, mais cette décision l'a bouleversée. C'est elle qui a vidé des boîtes et des boîtes et retrouvé des choses oubliées.

«Elle voudrait plaire à tous les enfants. Elle voudrait que nous soyons tous d'accord tout le temps. Ça ne marche pas toujours comme ça dans une grande famille.»

Un voyage dans le temps

Parmi les objets exposés hier, il y avait un cendrier d'argent et un briquet, remis aux gagnants de la Coupe Stanley. C'était au temps où les hockeyeurs faisaient la publicité de la cigarette, qui «donnait du souffle». Autre signe de l'époque, un hommage de Frank Selke à Émile Bouchard. «C'est un des Canadiens français qui a fait le plus honneur à sa race.»

C'était comme ça, les jeunes, demandez à vos grands-parents.

C'était aussi le temps des coupe-vent aux couleurs de son équipe de hockey. Tous les petits hockeyeurs en avaient un. Les joueurs du Canadien possédaient plusieurs modèles.

Pierre Bouchard racontait hier qu'il portait un des coupe-vent de son père sur son tracteur quand il s'est fait - Pierre a toujours été un original - gentleman-fermier.

En 1971, la LNH lui a remis, ainsi qu'à tous les joueurs du Canadien, gagnants de la Coupe Stanley, un téléviseur!

Les gens de Classic Auctions ont l'habitude. Ils ont mis aux enchères les souvenirs de Maurice Richard, Jean Béliveau, Howie Morenz, Toe Blake, Guy Lafleur, Henri Richard, Bobby Hull et autres vedettes du Canadien et de la LNH.

Ils n'aiment pas parler de mises, parce «qu'on ne sait jamais». Par exemple, le chandail porté par Paul Henderson lorsqu'il a marqué son célèbre but gagnant à la Série du siècle de 1972 s'est vendu à... 1,3 million.

J'aime bien les vieux encans avec un animateur qui parle très vite, mais Classic Auctions ne compte pas là-dessus. «On le fait de temps en temps, environ une fois par année, mais nous avons maintenant plusieurs clients en Europe. Et si un partisan du Canadien demeure en Australie, il ne viendra pas à Montréal, mais il peut acheter son souvenir de Butch Bouchard.»

Des bagues, des balles de baseball, des photos, des maillots des matchs des étoiles des années 40 et 50, quelque 36 lots seront offerts, comme on dit en langage d'encanteur.

Espérons que certains de nos musées, ou même le Temple de la renommée de la LNH, vont se manifester.

Photo Alain Roberge, La Presse

Au nombre des articles mis aux enchères, un cendrier reçu à la suite de la conquête de la Coupe Stanley.