Un groupe de spectateurs était réuni autour d'une table où Carlo Bossio, surnommé «King Carlo», défendait son titre de champion contre un de ses grands rivaux, Sam Anoussis, «Le diable de Tasmanie».

C'était le dernier match de la finale. Avec un compte de 2-2, nous passions en prolongation et le prochain but procurerait la Coupe Guy Plus au champion 2013.

Un officiel très sérieux déposait la rondelle pour les mises en jeu et les deux athlètes y allaient de leurs trucs, de coups spectaculaires, de tactiques surprises...

Ils étaient très tendus, ils suaient, ils criaient et lorsqu'ils sacraient, les spectateurs leur rappelaient qu'il y avait des femmes et des enfants dans l'assistance.

Ces deux-là étaient dans un monde à part, totalement concentrés, comme en transe.

Quand King Carlo a finalement marqué le but gagnant, il a levé les bras au ciel, les yeux fermés, et poussé un grand cri. Son adversaire l'a félicité chaleureusement, comme Gordie Howe féliciterait Maurice Richard après le septième match de la finale de la Coupe Stanley.

Sam Anoussis nous a alors montré ses mains ensanglantées à force de se cogner les jointures sur la table.

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Nous étions au tournoi de la Coupe Guy Plus, dans une salle de l'école Marie-Victorin de Longueuil, mais les deux finalistes n'étaient pas des écoliers. Carlo Bossio a 41 ans et Sam Anoussias, un peu plus.

La moyenne d'âge sur cette planète hockey sur table, où 90 joueurs étaient inscrits, était d'environ 40 ans. Trois femmes étaient inscrites et quelques ados jouaient entre eux sur l'une de la vingtaine de tables installées dans la salle.

La plupart des concurrents portaient le maillot de leur équipe préférée, avec l'inévitable casquette. On se serait cru à la Cage aux sports, qui était d'ailleurs l'un des commanditaires de l'événement.

Sur les murs de la salle, des chandails de collection; j'avais l'oeil sur le rouge des Blackhawks, avec le numéro 9 et le nom du légendaire Bobby Hull.

Carlo Bossio, qui travaille dans l'alimentation et habite à Rivière-des-Prairies, est un grand enfant rigolo.

«Quand j'étais adolescent, quand je n'avais pas de job ni de blonde, je jouais tous les jours, jusqu'à cinq heures par jour, et toujours avec mon frère Gino.

«Et puis j'ai découvert qu'il y avait des compétitions. À la fin de novembre, j'irai jouer à New York. Les tournois majeurs se tiennent à New York, Chicago, Montréal, Toronto et Québec. Aujourd'hui, c'était un tournoi mineur, mais nous aimons toujours nous réunir. Je ne joue plus comme avant, à peu près une fois par semaine, depuis que j'ai une femme.

«Il n'y a pas de prix en argent, on gagne le droit de se vanter, c'est tout.»

Dans leurs temps libres, Carlo et Gino, qui s'est classé troisième derrière Sam Anoussis, construisent des jeux de hockey sur table. Il y a plusieurs types, des grands et des petits, des faciles à transporter ou à transformer en table à cartes...

Gino: «Nous en vendions environ 50 par année (entre 300 $ et 500 $, selon la décoration), mais le marché se développe. Une école de Trois-Rivières vient de nous en commander 30. Un de ses éducateurs s'est aperçu que le hockey sur table aidait beaucoup les jeunes qui ont des problèmes de concentration. À ce jeu, il faut être tout à fait concentré. Pas une seconde de distraction.

«D'autres écoles en demandent pour occuper les jeunes après les classes. Pour les garder hors de la rue et loin des jeux vidéo. Et ça marche. Tout le monde aime jouer au hockey sur table.»

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À la fin de la journée: une longue et joyeuse cérémonie de remise de médailles, comme dans un club de curling ou un chalet de golf....

Des champions de tous âges et toutes catégories. Des trophées du «meilleur marqueur», de longs applaudissements pour King Carlo Bossio, décrit comme «une machine à marquer des buts.» Il nous dit avoir perdu quelques livres dans la journée, lui qui est tout maigre.

Le monde du hockey sur table est tricoté serré. Tous les participants ont payé 40$ pour l'inscription. Gilbert Delorme était le président d'honneur. Il y avait aussi Youppi!, qui n'est toujours pas jasant, mais très populaire.

Certains hockeyeurs étaient entourés de leur femme et leurs enfants.

Simon Décarie, 13 ans, accompagnait son père et il a gagné une médaille pour la deuxième place de sa catégorie. Simon habite à Rosemont et il étudie en troisième secondaire au Collège Jean-Eudes.

«Je joue depuis l'âge de 7 ans, toujours avec mon père à la maison. Mon petit frère va bientôt pouvoir jouer avec nous.»

Et les jeux vidéo, Simon?

«Des fois... mais plus au hockey sur table.»

Tiens, le hockey sur table pour vous rapprocher de vos ados... Carlo va vous bâtir une table, une «solide, bonne pour 25 ans...»

Parce que ce jeu vieux comme l'hiver semble vouloir rester.

Franchement, lorsque j'ai quitté l'école Marie-Victorin, j'avais envie de recommencer à jouer.

Pour l'amateur de compétition en vous, contactez godon.jeanclaude@videotron.ca ou téléphonez au 514-817-3103.

Un jour, vous porterez peut-être la Coupe Guy Plus au bout de vos bras.