La natation de longue distance est un sport bizarre. La première pensée qui me vient à l'esprit est que ça doit être ennuyant, tant pour celui qui le pratique que pour le spectateur. À quoi pense-t-on quand on nage pendant sept heures? En regardant un grand trou noir...

Xavier Desharnais, un sérieux espoir olympique, est d'accord: «C'est un sport très dur physiquement, psychologiquement, et ça demande un bon sens tactique. C'est monotone, c'est plate... Les autres athlètes peuvent se parler pendant la compétition, ils peuvent écouter de la musique. Pas nous. On doit entrer dans notre bulle.

«Mais on doit penser à plusieurs choses. Est-ce que je nage de manière efficace? Est-ce que je glisse bien? Est-ce que je gaspille de l'énergie? Le gagnant est toujours celui qui a su le mieux conserver son énergie pour attaquer au bon moment.

«La stratégie est aussi importante que la condition physique. On peut faire un parallèle avec les coureurs cyclistes. Il faut toujours surveiller la position des autres. Il faut comprendre ce qu'ils font et ce qu'ils ont comme plan de course.

«Si la course dure sept heures, nous devons demeurer très alertes pendant sept heures.»

Au moment où vous lirez ces lignes, Xavier nagera peut-être dans les eaux du lac Mégantic, pour une quatrième épreuve en quatre semaines. Il aurait dû prendre congé pour se reposer et se remettre d'un virus, mais il est originaire de l'Estrie et il ne pouvait pas déclarer forfait.

«J'ai des amis là-bas, des amis nageurs, des connaissances. Je ne suis pas du village, mais je le connais bien. Nous y nageons souvent. Il fallait que j'y aille, peu importe le résultat. Pour supporter la population.

«C'est un 10 km, ma spécialité. Ce sera une course rapide et intense.»

Nous sommes dans la courte saison des épreuves au Québec. Le 27 juillet dernier, Xavier participait à la Traversée du lac Saint-Jean. Trente-deux kilomètres, quatrième place chez les hommes, cinquième au total.

Le 3 août, il était au lac Memphrémagog. Trente-quatre kilomètres, deuxième place pour une deuxième année de suite. Notre homme a les Jeux de Rio dans sa ligne de mire.

«Aux Jeux olympiques, il y a un seul nageur par pays. Pour les Jeux de Londres, j'ai terminé deuxième au Canada. Cette fois, pour Rio, je pense que mes chances sont excellentes. J'ai progressé, je progresse toujours.»

Une famille de nageurs

Les adversaires, justement. Toujours les mêmes d'une compétition à l'autre. Xavier a nagé sur tous les continents sauf l'Afrique.

«Les nageurs forment une grande famille. Nous voyageons parfois ensemble, nous nous hébergeons les uns les autres quand c'est possible, nous nous aimons beaucoup. Je parle d'une cinquantaine de bons copains. Mais dans l'eau, pas d'amis. Il y a des contacts physiques.

«Le plus connu est le Bulgare Petar Stoichev. Les meilleurs sont des Allemands, des Russes, des Français... Les Canadiens font de bons progrès.

«Demain, le favori sera Thomas Lurz, un vétéran d'Allemagne qui est toujours médaillé aux Championnats mondiaux.»

L'entraînement

Xavier, 23 ans, nage 10 ou 11 fois par semaine, pendant des périodes de deux heures, deux heures et demie. Il parcourt entre 80 et 90 kilomètres par semaine, sans compter l'entraînement hors de l'eau.

Une trentaine d'heures par semaine à souffrir.

Dans un sport monotone et plate.

Quel est le plan de match pour les mois à venir?

«Après Lac-Mégantic, je vais me reposer un peu. J'ai été malade en plus. En août, retour à l'école (il étudie en kinésiologie à l'Université de Montréal). En septembre, entraînement avec les Carabins. Je fais des longues distances: 400 mètres, 1500 mètres. J'ai le record de l'université sur 1500.

«En janvier, je serai au Brésil et en Argentine pour la saison des courses.»

Et puis, un jour, nous serons peut-être devant nos écrans pour applaudir Xavier Desharnais à Rio.