Dans une des épreuves, on vous donne une bûche, une hache, trois allumettes et un gobelet d'eau. Il s'agit de tailler des copeaux de bois et des petits morceaux, d'allumer un feu et de faire bouillir l'eau plus rapidement que vos compétiteurs.

Ça peut servir dans la vie...

Nous étions à la 53e présentation d'une compétition de bûcherons et de bûcheronnes, une activité qui, avec le temps, est devenue un sport interuniversitaire au même titre que le football ou le basketball. Et c'est encore l'Université McGill qui l'a inventé, comme quelques autres sports majeurs qui sont devenus professionnels.

Samedi après-midi, nous étions au superbe campus Macdonald de McGill, à Sainte-Anne-de-Bellevue, sur les bords du lac Saint-Louis, et nous avons gelé pour vrai, au vent et dans un grand champ plat. Au point d'avoir du mal à parler et à bouger le visage après un certain temps.

Stéphanie Bélanger-Naud, 18 ans, de Brigham, près de Granby, s'exerçait à préparer des copeaux pour son feu... les mains nues! Une bûcheronne n'est pas une moumoune, croyez-moi. (Une autre fois, je vous expliquerai la technique... Ça peut servir.)

Après le basketball et le volleyball, cette grande fille, qui étudie en Techniques de gestion de ferme, a découvert le bûcheronnage en arrivant à l'université. «Je le fais pour l'ambiance, le plein air, le sport en équipe, l'entraide... Nous voyageons en équipe pour participer à d'autres compétitions.»

Bref, pour toutes les bonnes raisons...

Stéphanie est une spécialiste de l'ascension du poteau de 30 mètres avec des crampons aux pieds - ce qui nous donne une course très excitante, surtout quand le grimpeur, une fois en haut, réussit à sonner la cloche. Il y a aussi le lancer de la hache, la course en raquettes, le lancer du billot, la scie à deux, la scie suédoise en forme d'arc, la fente de la bûche en quatre morceaux, la coupe de bûches à la scie mécanique, qui fait de jolies petites rondelles...

Une vingtaine d'équipes proviennent d'une dizaine d'universités des Maritimes et de l'Ontario, et d'une université américaine, Dartmouth College, au New Hampshire... McGill est la seule du Québec et son équipe est souvent dominante. J'ai été un peu surpris d'entendre un groupe de filles pousser le cri de ralliement de McGill: Ho tabarnak!

C'est pour la couleur locale, m'ont-elles expliqué.

Il y a trois divisions, soit celle des hommes, celle des femmes et une division mixte, la Jack and Jill, comme dans lumberjack et lumberjill. La pognez-vous?

Go André! Go!

Et voici une des vedettes locales: André Mayrand, un petit Abitibien que les autres connaissent tous et encouragent. Mayrand est habile dans plusieurs disciplines.

«Ça élimine le stress... Je fais ça depuis trois ans. Je ne connaissais pas ce sport avant d'arriver à McGill. On s'entraîne quatre fois par semaine, de 6 à 8, après les cours.

«Je sais que lorsque j'aurai terminé mes études, je vais m'ennuyer du bûcheronnage, comme un joueur de hockey a de la peine le jour où il prend sa retraite. Je suis certain que ça va être dur. Je ne pense pas aller sur le circuit professionnel, je vais travailler...» (Eh oui, il y a un circuit professionnel aux États-Unis.)

André étudie en sciences alimentaires.

Sciences alimentaires?

«C'est tout le processus qui consiste à transformer les aliments et à les préparer pour les étaler dans des épiceries...»

J'ai pensé toute de suite aux tranches de fromage Kraft, jaunes et enveloppées individuellement. Elles ont donc été inventées par des universitaires. Je me suis dit: que c'est beau, l'instruction.

À la cafétéria, où je me suis précipité avec un visage et des doigts gelés - il est difficile de prendre des notes avec des mitaines -, il y avait bien sûr du café, mais aussi ce qu'on avait baptisé le régal du bûcheron: une soupe de patates.

On était loin du Centre Bell, des hot-dogs et de la pizza, mais il y avait de la joie à Sainte-Anne-de-Bellevue - et une sapré belle jeunesse, riante et pas plaignarde.