Notre nouvel entraîneur a commencé le match avec un trio de gros bras et il devait se trouver fin stratège. Il y a vite eu une bagarre et la foule du Centre Bell était contente.

Et puis c'était 1-0 Leafs, puis 2-0 Leafs et nous nous sommes immédiatement rappelés comment le hockey de la LNH pouvait être ennuyant. Il ne se passait rien dans ce match tant attendu, surtout du côté du CH qui n'affrontait pas l'Armée Rouge de 1972, mais les tristes Maple Leafs de Toronto.

Nous étions accoudés au bar d'un restaurant de la rue Saint-Denis, le Luca et Franco, qui s'était animé pour le grand soir, et nous sommes vite retournés à la salade de pieuvre, aux moules et aux frites, aux pizzas du four à bois. Nous sommes retournés à d'autres sujets de conversation qui n'ont rien à voir avec le hockey.

Nous avions vibré pendant la cérémonie d'avant-match, pour le grand Jean, pour Henri aux 11 bagues, pour Yvan le Roadrunner, mais il faudra arrêter de se fier à eux pour donner le spectacle. Et puis, ils sont un peu vieux pour descendre des escaliers dans la noirceur avec un flambeau à la main. J'ai eu un peu peur qu'ils ne trébuchent avec leurs genoux amochés.

Je tentais de suivre le match d'un oeil et je me suis rendu compte que personne d'autre ne le regardait avec attention. Il est vrai que le CH n'arrivait pas à s'organiser et que les Maple Leafs étaient les meilleurs dans ce duel de derniers de classe.

Finalement, le hockey de la LNH sert de bruit de fond quand on se réunit entre amis. Le patron du Franco et Luca a coupé le son pour mettre de la musique et personne ne s'en est plaint. On bavarde, on mange, on boit et on attend les reprises en cas de but.

Comme il n'y a pas eu beaucoup de buts ni beaucoup d'actions intéressantes, nous avons conclu que la Coupe Stanley, ce n'était pas pour cette année. Vous pouvez ranger vos chaises pliantes.

Le seul partisan des Leafs dans le restaurant disait que pour Toronto non plus, ce ne serait pas l'année. Mais ça, on le savait. Même qu'on commence à comprendre les partisans des Maple Leafs.

Je me suis mis à bavarder avec un client tranquille au bout du bar, un gagnant de la Coupe Grey (2002) tout de même, Patrick Dorvelus, ancien du Vieux-Montréal qui est revenu vivre dans le Quartier latin et qui a repris ses études en droit après une belle carrière chez les Alouettes.

- Alors, Patrick, qui vois-tu comme nouveau coach?

- Chris Jones est très compétent. Je le verrais bien. Je ne pense pas que Glen Constantin quitterait le Rouge et Or, il est trop bien traité. Danny Maciocia semble très heureux où il est lui aussi...

En attendant, nous avons Michel Therrien à la tête de notre équipe de hockey. Il avait tellement hâte de reprendre le collier au Centre Bell qu'il a oublié de transmettre son ardeur à ses joueurs.

Le Canadien de 2013... Lorsqu'on pense à toutes ces émotions, ces paroles excitées, les regrets de M. Molson, les hot-dogs gratuits, les gradins remplis pour un entraînement, on se dit tout ça pour ça? Tout ça pour nous présenter cette équipe qui n'a pas assez d'orgueil pour battre les Maple Leafs dans le match d'ouverture locale?

Mon fils, un fan fini du CH, qui me trouve parfois bougon, m'a dit que ce n'était qu'un match, que ça ne voulait rien dire et que je devrais manger des moules et des frites et arrêter de chialer contre son entraîneur.

O.K.

Demain, ce sera les Panthers de la Floride. Le CH devrait l'emporter, sinon... pas d'excuses, comme le veut la devise de Michel Therrien.

Et surtout pas de lui.

Richard Garneau

Rencontrer Richard Garneau quand on est un jeune journaliste à ses premiers pas au Forum avait quelque chose d'intimidant. Mais ça n'a duré qu'une minute ou deux. Une fois les présentations faites, on se laissait séduire par cet homme simple, sympathique et son sens de l'humour étonnant.

Rencontrer Richard Garneau, en plus d'épater mes parents, m'a influencé. On pouvait donc être journaliste de sport et s'intéresser à d'autres choses que le sport, on pouvait ne pas se prendre au sérieux, avoir un égo tout à fait sain?

Dans notre milieu, vous vous en doutez peut-être, les égos en orbite sont nombreux. Je me disais que s'il y en avait un qui aurait pu avoir la grosse tête, c'était bien Richard Garneau. Mais non, il laissait ça aux autres.

Après, je sautais sur les occasions de bavarder avec lui, pendant les entraînements matinaux du Canadien par exemple, ou sur la galerie de presse, et je garde un très beau souvenir de ces moments privilégiés.

Et puis un jour il a publié un recueil de nouvelles qui se lisait avec plaisir et avec un grand sourire. Je me suis dit que ce diable d'homme savait vraiment tout faire...

L'éditeur devrait le réimprimer. Ce serait un bel hommage.