C'est un drôle de sport - le mot jeu est peut-être plus juste - où le marqueur officiel travaille autant que la majorité des joueurs. Un jeu de chiffres, de chiffres et de chiffres où les hommes bougent très peu ou bien, par courts moments, de façon effrénée.

J'ai souri en voyant un gérant saisir un vieux téléphone relié au mur par un fil pour appeler un lanceur de relève. Ils n'ont pas de portables?

J'ai appris que les releveurs doivent maintenant se rendre par leurs propres moyens jusqu'au monticule. Autrefois, ils étaient transportés dans une voiturette de golf, ce qui faisait vraiment pépère...

On espère toujours voir le deuxième-but capter une balle de son revers, bondir sur place, se tordre dans les airs et lancer la balle au premier pour un retrait. Et des doubles-jeux spectaculaires! Ces plaisirs-là sont éternels. On se fout de qui gagne, à condition que les Yankees de New York perdent.

Essayez d'expliquer tout ça à votre voisin africain grand amateur de sport et il vous regardera d'un air bizarre...

Et pourtant, on se laisse prendre chaque automne. On se laisse hypnotiser par le duel lanceur-frappeur, on cherche lequel des deux a l'avantage psychologique, on tente de deviner le prochain lancer... Et il ne se passe à peu près rien. Mais il se passe tellement de choses...

On regarde en relaxant, en faisant cuire son poulet, en coupant le son pour entendre de la musique et parfois la musique et l'action se rejoignent parfaitement.

On peut aussi partir ailleurs, se retrouver loin dans le temps par une soirée d'été au parc Beaubien, sous les réflecteurs, et puis au Dairy Queen de l'autre côté de la rue, qui est toujours là, plus vieux que le Stade olympique, petite cabane rouge et blanche, comme un condo pour lutins.

Plus que tout, le baseball est le jeu du temps qui passe, des pères et des fils qui vieillissent... Dans ma jeunesse, la Série mondiale était disputée en après-midi de semaine et c'était entendu qu'on ferait l'école buissonnière au moins une fois, les adultes se déclareraient malades et tous les mâles de la famille King, les oncles et les cousins, se réunissaient comme à Noël. On mangeait des cacahuètes... C'était des moments de pur bonheur, et voilà bien une tradition qui a tristement disparu.

Dans une lettre aux lecteurs publiée récemment à Montréal, un monsieur montait aux barricades et nous disait qu'il était temps de retrousser nos manches et de prendre le retour des Expos au sérieux. Il y en a un chaque automne.

Je n'ai pas pleuré le départ des Expos, l'organisation m'avait trop écoeuré, mais chaque automne, en effet... En voyant les partisans rigolos des A's d'Oakland s'amuser dans les gradins, par exemple, on se rappelle que c'était très plaisant d'avoir une équipe de baseball des ligues majeures.

Mais imaginez les palabres... Faut-il construire un stade? Où et qui va le payer? Faut-il retourner au Stade olympique qui, justement, reprend du service de belle façon?

Il était très bien ce stade, pas parfait évidemment, mais on s'y rendait avec plaisir, on l'emplissait presque du vendredi au dimanche, jusqu'à ce qu'on nous fasse croire qu'il n'était plus bon, trop grand et désuet, trop loin du Latini... Qu'est-ce qu'on n'a pas entendu comme conneries. Et puis ils ont gagné...

Je n'en dis pas plus, je pourrais me fâcher et ce n'est pas bon pour ma tension artérielle.

Gary Carter... enfin

La Ville de Montréal, un peu en retard, a décidé d'honorer Gary Carter à son tour. La bonne nouvelle est que la Ville a choisi le bon parc... Nous l'appelions le parc Ahuntsic à l'époque et la crème du baseball amateur montréalais est passée par là. Les Braves d'Ahuntsic avaient de très bonnes équipes et il fallait être alertes quand on allait les affronter.

Et puis le petit stade de baseball est très joli, ce qui me fait penser que Québec et Trois-Rivières ont maintenant des clubs de la Ligue Can-Am et que si on avait le nôtre, c'est au parc Gary-Carter qu'il devrait jouer.

Je ne comprends pas que personne ne veuille s'engager dans ce projet, ce serait un petit bijou d'événement. En attendant que le monsieur qui rêve d'un retour des Expos ne fasse plus de disciples...

Enfin, la rue Taillon Ouest devient la rue Gary-Carter. C'est un bel honneur là aussi.

J'ai un peu connu Gary Carter et je sais qu'il serait très honoré. Il aimait les récompenses, il était comme un enfant et ces deux-là sont bien méritées.