Éliane s'excuse d'abord de ne pas avoir répondu à mon coup de fil. «J'étais en train de conduire...»

Voilà qui devrait rassurer papa-maman.

Éliane Kulczyk, 18 ans, est championne québécoise de gymnastique. En avril, à Gatineau, elle a remporté quatre médailles d'or en quatre épreuves (poutre, barres asymétriques, cheval, sol). Ça, c'est du sport, mes amis.

Et on ne parle pas de la douleur. En gymnastique, il faut répéter ses gestes des milliers de fois et on tombe souvent. On se cogne la tête sur la poutre, on se tord le genou, la cheville, le poignet, on se casse un doigt, on prend une mauvaise trajectoire en quittant le sautoir, on s'écrase dans le cheval... Ces jeunes filles sont des dures.

«On s'habitue à vivre avec la douleur, mais on est souvent blessées. Les vieilles blessures reviennent tout le temps. En plus des blessures d'usure, j'ai eu deux commotions cérébrales depuis mes débuts. Et je me suis fracturé un pied et un poignet. On s'habitue...»

Éliane a repris l'entraînement cette semaine, quatre heures par jour, cinq jours par semaine... C'est beaucoup, non?

«Oui, c'est beaucoup de travail. Mais ça en vaut la peine.»

Direction Utah

L'athlète de Saint-Jérôme a renoncé à son rêve olympique. À 18 ans, une carrière de gymnaste féminine tire à sa fin, comme on sait. C'est le sport privilégié de merveilleuses et magiques fillettes en caoutchouc.

Éliane Kulczyk n'a pourtant pas terminé de voir des gymnases. Elle a décroché une bourse d'études de l'Université Brigham Young à Provo, dans l'État de l'Utah. Oui, une des ces luxueuses universités de la secte des Mormons. Les moyens ne manquent pas dans l'Utah.

Que sais-tu des Mormons, Éliane?

«J'ai dû signer un formulaire dans lequel je jurais de ne pas consommer d'alcool ni de drogues et de ne pas avoir de rapports sexuels avant le mariage. C'est comme ça. Mais seulement pour le temps que je passe là-bas. Il faut respecter leurs lois...»

(Les nombreux joueurs de football qui passent par les universités mormones vous raconteront, off the record, que les jeunes Mormons sont aussi olé olé que n'importe qui de leur âge, peut-être plus à cause des interdits, mais qu'ils sont plus discrets. Ne le dites pas à papa-maman Kulczyk.)

Plusieurs universités ont offert des bourses à Éliane, alors pourquoi avoir choisi Brigham Young?

«Ils m'ont invitée pour une visite de quatre jours. Ça parait drôle à dire, difficile à croire, mais c'est à cause de la gentillesse des gens. Mon père, qui m'accompagnait, n'en revenait pas lui non plus. On trouvait que tout le monde était très aimable... J'ai accepté très vite leur offre. J'aurais pu aller à Chicago ou dans quelques universités de la Californie.

«Pour moi, il n'y aura pas de Jeux olympiques sous les couleurs du Canada. Je vais participer aux compétitions de la NCAA et on ne peut pas faire les deux, c'est-à-dire revenir au Canada pour les compétitions préolympiques.

«À BYU, les installations sportives sont de premier ordre. On ne peut pas demander mieux. J'ai rencontré mes futures coéquipières, une Canadienne et des Américaines des quatre coins du pays. On s'est très bien entendues. J'ai hâte de les rejoindre en août prochain.

«Provo se trouve au milieu de montagnes, dans un pays de ski. C'est très beau.»

Psychologie

«Oui, c'est la première fois que je quitte la maison familiale. Je veux devenir psychologue et j'ai la chance de continuer à pratiquer mon sport en faisant des études sérieuses. C'est une belle façon de m'offrir un diplôme universitaire.»

Et après?

«Après mes quatre ou cinq années à Brigham Young, je vais revenir au Québec pour exercer mon métier de psychologue. Je ne me vois pas demeurer aux États-Unis.»

Tout de même... Pour Éliane et pour bien d'autres athlètes québécois, ils sont parfois commodes, ces Américains.

Photo: Robert Skinner, La Presse

Âgée de 18 ans, la gymnaste Éliane Kulczyk a renoncé à participer aux Jeux olympiques, malgré son titre de championne québécoise.