L'équipe de rugby de France, les Bleus, a une mascotte qui s'appelle Ratatouille. Il s'agit d'un rat, un vrai, qui n'a pas fait le voyage en Nouvelle-Zélande pour assister à la Coupe du monde, faute de visa. On n'est pas le bienvenu partout quand on est un rat.

Samedi, les Bleus affrontaient les fameux All Blacks. Ils étaient négligés, mais il faut savoir que la France est un peu la bête noire des Néo-Zélandais. En 50 rencontres entre les deux pays, les Français l'avaient emporté 12 fois, mais ils ont eu le don de surprendre leurs rivaux à des moments inattendus, dont deux fois en Coupe du monde.

Les Bleus se sont présentés devant le Haka d'avant-match, la danse guerrière aborigène que tous les Néo-Zélandais, blancs et autochtones, apprennent à l'école - je ne me lasse jamais de la revoir -, sans Ratatouille, et voici comment un commentateur français a décrit cette formation des Bleus: «De bons garçons très polis et respectueux, on les prendrait comme baby-sitters... Ils n'ont pas de grandes stars, sauf peut-être Imanol Harinordoquy, le Basque bondissant.» (J'aime bien aussi le surnom de William Servat, un petit Français très trapu: «La bûche».)

Pour le grand rendez-vous de samedi, il n'y a malheureusement pas eu de match. Les Blacks ont vite pris les devants 19-0 et les Bleus n'ont jamais été dans le coup. Compte final: 37-17.

Au milieu d'une cinquantaine de Français et Françaises au bar Le Massilia de l'avenue du Parc, ce n'était pas le moment de crier: «Ils jouent comme des chèvres!», comme ils le font, eux, lorsque la France écrase un adversaire.

Les pauvres partisans ont eu très peu d'occasions de s'exciter. Un peu à la fin, quand le match était perdu et que les Bleus ont réussi deux essais, c'est-à-dire deux touchés.

Voici l'analyse d'un expert, Christophe Camy, entraîneur du XV de Montréal: «On a été dominés à la mêlée. On a beaucoup reculé dans les mêlées... Et une fois la Nouvelle-Zélande en confiance, il est très difficile de l'arrêter.

«Ce n'est pas dramatique pour la France. Il y a eu des bons moments, il y a eu deux essais. Et en terminant deuxièmes de la division, ils obtiennent un tableau plus facile pour la suite. Je ne crois pas qu'ils soient trop déçus et je ne crois pas qu'ils soient démoralisés.»

Les mauvaises langues prétendaient même que les Français feraient exprès de perdre pour obtenir un meilleur calendrier, une tactique de tournois internationaux, en soccer et en hockey par exemple, que nous, Nord-Américains, avons du mal à accepter.

Mais je ne crois pas que les Bleus se soient laissé battre. On ne mange pas volontairement une volée comme celle-là. En fait, les All Blacks ont livré un match merveilleux, avec de longues courses et de courtes passes, beaucoup de robustesse, de quoi vous accrocher au rugby tellement c'était beau. «La défense française a des allures de grand boulevard», a même dit un analyste français à la télé.

Enfin, notez que le XV de Montréal a perdu en finale de sa division contre le Montreal Irish samedi, justement. «C'était quand même une bonne expérience pour notre club», nous assure Christophe Camy.

On leur souhaite bonne chance pour l'an prochain.

Le serpent

J'ai été éveillé hier matin par le marathon de Montréal, qui a la tenace habitude de passer devant ma fenêtre chaque année. Je rêvais qu'on m'applaudissait, mais il s'agissait des spectateurs, sur le trottoir, qui encourageaient les coureurs.

On parle de plus de 20 000 coureurs et marcheurs et cet événement demeure l'un des plus beaux de l'été. Un tsunami de santé, d'effort et de bonne humeur avant l'automne.

Certains coureurs vont y chercher leurs 15 minutes de célébrité et ils s'excitent quand ils entendent des applaudissements. Ceux-là me tombent sur les nerfs, surtout à la fin quand ils font un grand drame. Je préfère les bandes de copains qui bavardent en courant, la dame voilée, le père, la mère et la fille portant les couleurs familiales - courir en famille, ça ne peut qu'être un bon souvenir pour la vie - et quand le gros du peloton arrive, long serpent onduleux, on fait des Ho! et des Ha!.

De temps en temps, des policiers en moto escortent un grand Noir, Éthiopien sans doute, qui rejoint les meneurs et qui passe à côté du peloton comme s'il était arrêté.

J'ai cherché Jano, mon ex-conjointe et mère de mon fils, qui marchait un demi-marathon avec ses copines, mais je ne l'ai pas vue. J'espère que tout s'est bien passé. Elle a l'impression que le demi-marathon est plus long chaque année, mais c'est parce qu'elle vieillit.

Et puis je ris toujours de voir les automobilistes coincés, bouillonnant dans leur voiture, parce qu'ils n'ont pas prévu le coup. Ils n'apprendront jamais.

En soirée, on nous a appris qu'un drame avait terni cette belle journée. Un coureur d'une trentaine d'années a succombé à un malaise en courant un demi-marathon.

Un drame de trop dans toute cette joie. Le fait demeure que la course n'est pas pour tout le monde, et qu'il est essentiel de s'informer auprès de personnes compétentes en la matière. Les experts et les médecins vous diront que certaines gens devraient s'abstenir. Il est à souhaiter que le malheur d'hier serve à en prévenir d'autres.

Photo: AFP

Ma'a Nonu (à gauche) et les All Blacks étaient trop forts pour Aurélien Rougerie et l'équipe de France, samedi.