La conversation a eu lieu il y a peut-être un an. Il était question du tournoi des Super Six qui regroupe les meilleurs super-moyens (168 livres) du monde. Lucian Bute n'avait pas été invité, son nom n'étant pas bien connu sur la scène mondiale. Mais pour réparer l'affront, on lui promettait déjà d'affronter le gagnant.

Lorsqu'est venu le moment d'évaluer le Danois Mikkel Kessler, Lucian Bute a eu le commentaire suivant: «Kessler ne fait qu'avancer. Il ne se déplace jamais vers l'arrière, ni vers la gauche ni vers la droite. Il n'a qu'une direction. Il est une cible facile...»

Celui qui ne connaît qu'une direction, vers l'avant, était tout de même le bulldozer avec une droite foudroyante qui a mis fin à la carrière d'Éric Lucas. Kessler s'est présenté au Centre Bell vendredi pour négocier avec InterBox un possible combat contre Bute. Comme c'est la coutume chez les boxeurs, Éric Lucas était là pour l'accueillir à bras ouverts. Ils ont bavardé comme deux vieux amis. Ainsi vivent les guerriers du ring.

Mais Kessler, 32 ans, n'est plus le taureau qu'il était. Ses 45 combats (43-2-0, 32 K.-O.) l'ont usé. Après avoir battu, dans le tournoi des Super Six, le redoutable Carl Froch, il s'est incliné contre Andre Ward, peut-être l'homme à battre chez les super-moyens. Ont suivi des problèmes de vision. Kessler s'est mis à voir double. Les médecins lui auraient récemment donné le feu vert pour se battre, mais il a avoué hier en conférence de presse que son oeil gauche n'était pas tout à fait guéri. Il ira tout de même de l'avant dans les négociations.

«Certains disent que Lucian n'a pas affronté de bons boxeurs. Je ne suis pas d'accord, il a battu de bons hommes. C'est un boxeur très intelligent et très habile, un gaucher qui est un des meilleurs super-moyens du monde. Il n'y a pas de doute.

«Je l'ai rencontré il y a sept ans, mais je ne me souviens pas des circonstances. Il m'a dit qu'il serait champion un jour et que nous allions nous affronter. Je crois que le moment est arrivé. Je prévois un bon combat.»

Kessler, monsieur éloquent qui parle doucement et qui passerait pour un enseignant ou un comédien, a charmé les médias et les spectateurs qui l'ont abordé. Généreux de son temps, il répondait à toutes les questions et posait pour les photos.

Il est à la recherche d'un boxeur gaucher pour préparer son retour. Les noms de Renand St-Juste, homme fort de Repentigny, et même de Brian Magee, victime de Bute samedi, circulent.

En ce qui regarde Bute, le lieu et la date du combat seront négociés en temps et lieu. Kessler est une grande star en Allemagne et en Europe (il vit à Monaco), autant que Bute à Montréal.

«Je viendrais à Montréal sans problème, a dit Kessler. Ou ailleurs, en Allemagne ou en terrain neutre. Je ne crains pas de me battre à l'étranger.»

Ce à quoi son promoteur allemand, Kalle Sauerland, a ajouté: «Le guerrier viking voyage...»

Si Kessler se rétablit bien, ce combat aura lieu. Les deux hommes ont besoin l'un de l'autre. Kessler, boxeur en déclin, pour une bourse généreuse en fin de carrière. Bute pour la reconnaissance au niveau mondial.

Au corps

Vitesse supérieure des mains, vitesse supérieure des pieds, plus longue portée, c'est sans surprise que Lucian Bute a remporté presque tous les rounds samedi contre un Brian Magee coriace mais peu mobile et un peu lent. Il a souvent frappé dans le vide.

Le champion a mis un peu de temps à trouver des ouvertures dans la défense adverse, mais lorsqu'il a trouvé la solution, c'est avec son arme préférée, l'uppercut du gauche au corps, qu'il a dominé le combat.

Une fois, deux, trois, quatre, Magee a dû mettre un genou au sol pour combattre la douleur. Les boxeurs expliquent qu'un bon coup au corps produit une douleur insupportable et coupe les jambes. Le plus frustrant de l'affaire, c'est que la douleur disparaît rapidement, après 30 secondes peut-être, mais ces 30 secondes sont une éternité dans une arène de boxe.

Au 10e, l'arbitre américain en avait assez vu. Magee allait souffrir inutilement.

Pour Bute, qui doit envoyer des messages au reste du monde de la boxe, un K.O.T était nécessaire. Une décision contre un adversaire aussi désavantagé aurait été un recul, une tache à son dossier.

Des ratés

Le combat de demi-finale, très attendu entre les supers-moyens Renan St-Juste (22-2-1, 15 K.-O.) et l'ex-champion colombien Alejandro Berrio (24-5-1, 21 K.-O.), a été annulé pour cause de laryngite du boxeur local.

Cela a semblé perturber la sous-carte dont les autres combats, à sens unique, ont été très courts. La soirée a donc connu des ratés, à cause de deux longues attentes, dont une de 30 minutes avant le combat final entre Bute et Magee.

Voilà de quoi refroidir l'ambiance. Pas facile d'offrir des préliminaires équilibrés à Montréal...

Photo: Bernard Brault, La Presse

Le Danois Mikkel Kessler s'est présenté au Centre Bell vendredi dernier pour négocier avec les gens d'InterBox.