On dit de David Lemieux que l'avenir de la boxe locale passe par lui. Après Éric Lucas, Leonard Dorin, Joachim Alcine, Lucian Bute, Adrian Diaconu et Jean Pascal, le prochain champion mondial de Montréal pourrait apparaître en 2011 chez les poids moyens.

David Lemieux, tout juste 22 ans, est un cas particulier. Sa langue maternelle est l'arménien. Il vit avec sa mère et son beau-père, arménien, qu'il considère comme son père, dans le quartier Cartierville où se trouve une importante communauté arménienne. Quand vous passez sur l'autoroute 15 et lisez les mots Sourp Hagop (Saint-Hagop), il s'agit d'une école où il a brièvement étudié.

Lemieux parle français québécois avec son frère aîné, mais il peut aussi causer en anglais, en arabe libanais et un peu en espagnol, pour son entraîneur cubain, le célèbre Pedro Luis Diaz.

Comme boxeur, il a conquis même les grands promoteurs et commentateurs américains avec sa force de frappe. Le bonhomme a un atout important: il est spectaculaire.

Mais sa fiche de 25-0-0, 24 K.-O. est trompeuse. Il n'a pas affronté que des boxeurs conciliants. Une récente victoire, par K.-O. au premier round aux dépens du très expérimenté Hector Camacho Jr, a effacé certains doutes.

«Les gens disent que je n'ai affronté personne de bon. Mais regardez la liste de mes adversaires. Plusieurs ont de belles carrières et étaient rarement allés au tapis. Ce n'est pas parce que je les couche au premier ou deuxième round qu'ils sont des jambons. C'est ça, un gros cogneur...»

David Lemieux est un costaud de 5'10, très compact - Diaz l'appelle rectangulo -, avec les cuisses musclées d'un hockeyeur. C'est un rigolo, sûr de lui, volubile et rieur, le genre dont on dit qu'il en a dedans et on ne se trompe pas...

«J'ai eu une jeunesse assez folle. Je me battais souvent à l'école et je faisais des mauvais coups avec mes amis. Je fumais de gros cigares à 9 ans. Un de mes voisins, qui était boxeur, m'a vu avec un cigare et il s'est dit que c'était assez. Il m'a amené à un gymnase de boxe.

«Je connaissais Russ Anber parce qu'il venait voir sa blonde qui était presque ma voisine. Russ ne pouvait pas me sentir. Au début, il ne voulait pas de moi. J'ai fini par le convaincre.»

Russ Anber... Un des hommes les plus respectés de la boxe nord-américaine, dont les parents sont d'origine libanaise, gérant et entraîneur-chef de David Lemieux...

«David venait à mon gymnase et je l'ai mis à la porte au moins 20 fois. Il arrivait avec des couteaux. Une fois, il s'est présenté avec une grosse hache et m'a dit qu'il l'avait trouvée, qu'elle n'était pas attachée. Je lui ai enlevé la hache et je l'ai renvoyé chez lui une autre fois. Je ne voulais pas le voir parmi mes autres boxeurs.

«Il est revenu avec un vélo et m'a dit qu'il l'avait trouvé. Je lui ai répondu qu'on ne trouve pas un vélo. On le prend parce qu'il est accoté à un arbre, qu'il n'est pas barré et qu'il n'y a personne autour. Un peu plus tard, il s'est acheté un vélo et quelqu'un le lui a volé après quelques jours. Il était furieux. On a bien ri de lui.

«Mais ce n'était pas un mauvais garçon. Il faisait des choses stupides, mais il n'avait aucune méchanceté. Il était gentil avec tout le monde, jamais mean.

«Finalement, je l'ai pris sous mon aile. Il était tout jeune et je pouvais le former à mon goût. Ça me rappelait ma rencontre avec le jeune Otis Grant.»

Et le nom Lemieux, d'où vient-il?

«Mon frère et moi avons le même père biologique. C'est une bonne personne qui a des problèmes d'alcool. Ma mère et lui se sont séparés pendant que ma mère était enceinte de moi. Je n'ai jamais vécu avec lui.

«Mais on se voit toujours et nous avons une bonne relation. Il assiste à tous mes combats. Il est fier de moi. Ça me motive.»

Qu'est-ce que David Lemieux aurait fait dans la vie s'il n'était pas boxeur?

«Bonne question. Quand j'étais petit, je voulais devenir pompier. Mais l'école n'était pas une priorité pour moi. Je ne sais pas ce que j'aurais fait d'autre...

«J'ai commencé à vraiment aimer la boxe à 15 ans quand j'ai remporté le championnat canadien de ma catégorie. Je me disais que j'étais bon, que je frappais fort et que je devrais me concentrer sur la boxe.»

Lemieux a refusé de se joindre à l'équipe olympique canadienne, où sa place était acquise. Il est passé chez les pros à 18 ans.

«Quand j'ai vu les premiers chèques de paie, là, j'ai vraiment compris que je devais prendre la boxe très au sérieux.

«Russ me parle toujours des anciens boxeurs qui ont gagné beaucoup d'argent et qui n'ont plus un sou aujourd'hui. Il y en a plusieurs.

«Russ me répète de toujours payer mes impôts. Floyd Mayweather est sur le point de tout perdre à cause d'impôts non payés.

«L'argent, ce n'est pas tout. Il faut une famille, une maison. Je veux absolument des enfants, au moins quatre. Pour ça, il faut investir et ne pas gaspiller. Je vais bientôt acheter un condo neuf à Chomedey. C'est un investissement.»

Comme tous les puissants cogneurs, David Lemieux contrôlait mal ses énergies et cherchait le K.-O. en tout temps. Il lui a fallu apprendre la technique et, surtout, la patience.

«Ça n'a pas été facile», avoue le boxeur. Son gérant Anber est d'accord.

«C'était très dur. David était trop émotif et instinctif dans l'arène. Il se fâchait et oubliait tout.

«Ce n'est pas un naturel. Il n'est pas le genre à qui on explique quelque chose une fois et il comprend tout de suite. On doit répéter et attendre le résultat des semaines plus tard. Avec le temps, il est devenu un bon étudiant.

«Les amateurs de boxe ne réalisent pas qu'il doit travailler très fort pour progresser. Il a mis beaucoup de temps et d'efforts pour apprendre à rester en bonne position, attendre la bonne occasion et raccourcir ses coups. Mais plus il avance, plus ses coups sont forts. Il a compris.»

Lemieux combat à 160 livres, chez les poids moyens. Son corps massif ne lui permet pas d'aller plus bas.

«Mais je pourrais combattre à 168 livres et plus, sans problème. J'ai assez de puissance pour monter de catégorie.»

Un combat est prévu pour le 8 avril contre Marco Antonio Rubio, un Mexicain dont la fiche est de 48-0-6, 41 K.-O. Le gagnant obtiendra un combat de championnat du monde.

«Il nous reste à déterminer l'endroit. Nos promoteurs vont présenter leurs plans et le plus offrant va l'emporter. Mais si nous perdons, nous n'irons pas au Mexique. Trop dangereux. On ne va pas combattre un Mexicain au Mexique. C'est pire qu'en Allemagne.»

Russ Anber: «Nous n'irons pas au Mexique. Nous allons passer notre tour. Il y a trop de risques, dont la turista. Nous avons le choix et plusieurs autres options pour nous rendre à un combat de championnat. Ce n'est pas le cas de Rubio. Il a plus besoin de Lemieux que Lemieux a besoin de lui. C'est pourquoi je pense que le combat aura lieu à Montréal.»

Notons que le duo Anber-Lemieux est sous contrat avec le groupe GYM pour encore 18 mois.

«Je suis bien traité chez GYM. Ils prennent bien soin de ma carrière. Ils ne m'ont jamais mis de pression ou forcé à me battre contre un adversaire trop fort à mes débuts.»

Le champion mondial de la WBC, l'homme à battre chez les moyens, s'appelle Sergio Martinez.

«Il est champion, mais ça ne veut pas dire qu'il est le meilleur. Il y en a d'autres», dit Lemieux.

Qui donc est le meilleur poids moyen au monde?

«David Lemieux.»