Jacques Rougeau fils nous a annoncé sa retraite «des câbles» hier. Il a 50 ans.

À une époque, Jacques Rougeau a été une grande vedette de la WWF et des méga-spectacles du promoteur Vince McMahon à travers les États-Unis.

«Je suis parti à 25 ans, avec mon frère Raymond. Nous avons lutté en duo pendant quatre ans. Puis, je suis devenu le «Mountie», avec la tunique rouge et le beau chapeau, et j'ai fait le duo des «Quebecers» avec Pierre-Carl Ouelette.

«Je suis resté 10 ans dans la WWF, de 1985 à 1995. On pouvait gagner jusqu'à 250 000 $ US par année. Dans ce temps-là, c'était beaucoup. J'ai quitté parce que Vince McMahon ne tenait pas ses promesses. J'ai pour principe que si on demande à un singe de faire une culbute pour deux pinottes, on lui doit deux pinottes et non pas une pinotte et demie. J'avais fait ma culbute, je voulais mes deux pinottes.

«Et puis, c'était le début des stéroïdes, j'ai tout vu ça de près. Sur 100 lutteurs, 90 en prenaient. Il y avait un pharmacien pour les lutteurs dans chaque ville où on allait. Dans le vestiaire, il y avait un petit coin avec une pancarte qui disait «drugstore».

«À une époque, le duo des British Bulldogs, deux Anglais détestables, était dans la troupe. Ils se promenaient dans le vestiaire avec une seringue plantée dans une fesse. Ils étaient grossiers en public, ils étaient toujours saoûls et drogués, ils nous faisaient honte dans les aéroports et les hôtels, ils sacraient devant les enfants...

«C'était des brutes qui intimidaient les autres lutteurs. J'en avais peur moi aussi. Ils nous faisaient des mauvais coups... J'ai vu des lutteurs pleurer.

«Un soir, un des deux Bulldogs était fâché contre moi pour quelque chose que je n'avais même pas fait. Il m'a donné une volée terrible dans l'arène. J'ai été défiguré pendant quelques jours. Je pensais tout abandonner.

«Puis, j'ai changé d'idée. J'ai appelé mon père qui avait assisté au combat à Miami et je lui ai dit que je voulais affronter le Bulldog. Mon père m'a répondu: Si tu veux vraiment y retourner, passe par la banque avant le combat. Demande un rouleau de 25 cents. Tiens le bien serré dans ta main et frappe de toutes tes forces. Je lui ai cassé des dents au premier coup de poing et je lui ai donné une méchante volée. Sa carrière et sa vie ont basculé après. Il a mal tourné. Je peux dire que j'ai mis fin à sa carrière.

«Les autres lutteurs me remerciaient et me félicitaient. Hulk Hogan, qui était à son apogée, m'aimait bien et m'aidait beaucoup. Il détestait les Bulldogs parce qu'ils faisaient un mauvais nom aux lutteurs. Hulk est un gentleman. Rappelle-toi, il disait aux jeunes de faire leur devoir et de prendre leurs vitamines.

«Je pourrais te raconter assez d'histoires pour écrire un livre...»

Il faut le croire sur parole.

La lutte familiale

Jacques Rougeau continuera toutefois à organiser ses galas de lutte familiale, qui tiennent du théâtre, de l'acrobatie et du cirque. Pas d'alcool, pas de coups de poing et de pied, pas de sang, pas de lutteuses en petite tenue... Je ne croyais pas que son projet allait fonctionner jusqu'à ce que j'assiste à un gala. Ne ratez pas celui de Noël à l'Auditorium de Verdun. Pour un après-midi de franche et saine rigolade.

Rougeau était accompagné hier de plusieurs de ses lutteurs. Le géant Martin, le nain Tiger, le clown Tapoche... Ce dernier a eu le commentaire suivant: «Il faudrait que quelqu'un interrompe Jacques parce qu'il ne s'arrêtera pas de parler de lui-même.»

Tous ces messieurs adorent faire rire les enfants dans les arénas du Québec.

Rougeau avait auprès de lui ses trois fils lutteurs, trois merveilleux garçons très polis et allumés. Ils sont les bons, mais il n'y a pas vraiment de méchants dans le groupe. Les deux plus vieux seront bientôt pompiers.

La cause...

Le nouveau retraité, dont la famille reconstituée compte une ribambelle d'enfants, s'occupera surtout de ce qui lui tient à coeur: le bien-être des jeunes. Il parcourt les écoles et, en vrai lutteur, il s'attaque d'abord aux gangs de rue. «J'ai parlé à quelque 30000 étudiants jusqu'ici.»

Il leur remet un joli petit livre bien illustré sur les moyens pratiques d'éviter les gangs de rue, la drogue, la prostitution et «autres violences». Publié par la maison TheoDone, le bouquin est accompagné d'un fascicule pour adultes, parents et professeurs.

Du beau travail. Du travail d'un homme de coeur.

Photo: Alain Roberge, La Presse

Jacques Rougeau fils a annoncé sa retraite, hier. Ses fils assureront la relève.