«Je vous en prie, ne jugez pas 26 années de travail bénévole sur un incident.»

Il s'agit d'un affreux incident. Tony Iadeluca, président des Cougars de Saint-Léonard, rappelle que les médias ne parlaient jamais de son équipe de football junior jusqu'à ce qu'elle devienne célèbre le week-end dernier.

La scène se passe à Hamilton et la vidéo montre une longue et violente bagarre entre les joueurs des Cougars et des partisans des Hurricanes. La vidéo a fait le tour de la planète sur YouTube.

Il faut d'abord savoir qui sont les Cougars de Saint-Léonard, ce club de football qui entretient des équipes de niveau mineur et qui représente un phénomène unique au monde: des équipes gérées et dirigées par des Italiens qui comptent une majorité de joueurs haïtiens. Où ailleurs verrez-vous une collaboration sportive entre ces deux groupes ethniques?

Les Cougars ont produit un entraîneur-chef gagnant de la Coupe Grey, Danny Maciocia, un Iadeluca entraîneur-chef du Phénix du collège André-Grasset et un autre Iadeluca parmi les entraîneurs-adjoints chez le Rouge et Or de l'Université Laval.

Sachez aussi qu'en 26 années, les Cougars de Saint-Léonard ont permis à de nombreux jeunes de choisir une vie saine plutôt qu'une vie de crime et qu'il s'agit de football civil, hors de l'école, pour ceux qui n'ont pas la capacité ou la possibilité d'étudier. Certains ex-Cougars ont par ailleurs joué au football universitaire par la suite.

L'image

Or, les Cougars passent aujourd'hui pour une bande de voyous. «Je n'excuse pas nos joueurs. Nous enquêtons et certains seront sanctionnés. Leur comportement a été disgracieux et inacceptable, explique Tony Iadeluca.

«Mais les jeunes doivent être encadrés en tout temps par des adultes et ils ne l'étaient pas à Hamilton. Des partisans des Hurricanes se sont placés directement derrière notre banc, ce qui est interdit par les règlements. Ils lançaient des cannettes et des bouteilles de bière sur nos joueurs. Au deuxième quart, notre entraîneur a demandé aux officiels d'intervenir et de faire déplacer les spectateurs. Il les a avertis que ça pourrait mal tourner. Mais les officiels ne l'ont pas fait.

«Notre gérante d'équipe a alors contacté les dirigeants des Hurricanes. Ils lui ont répondu qu'ils n'avaient pas de système de sécurité. C'est un autre accroc au règlement. L'équipe qui reçoit a l'obligation d'assurer la sécurité des visiteurs.

«Avec neuf secondes à jouer, la bagarre a éclaté. Nos joueurs sont montés dans les gradins pour se venger et d'autres joueurs y sont allés pour les retenir.»

Racisme?

Il faut aussi connaître l'histoire des Cougars de Saint-Léonard, seule équipe québécoise à évoluer dans la Ligue de football junior de l'Ontario. Les Cougars ont remporté huit championnats de suite et se classent toujours parmi les trois premières équipes.

Et, fait moins connu, à travers les années, il y a toujours eu des rumeurs de racisme lors de leurs visites en Ontario. Et pas du type de racisme que vous croyez.

«Il y a toujours eu du racisme envers nous et ce n'est pas à cause de nos joueurs haïtiens...»

Parce que les Cougars sont du Québec, alors?

«Ne me faites pas dire ce que je ne veux pas dire. Il y a toujours eu du racisme et la couleur de la peau n'a rien à voir là-dedans.»

Les frogs et les anglos... Un classique de l'histoire du sport au Canada. Sauf que dans ce cas, les frogs sont noirs et italiens et qu'ils se sont fâchés. Allez comprendre...

Walter Morris, 58 ans, responsable de l'équipement chez les Cougars et bénévole depuis 25 ans, était au milieu de l'action. Il raconte dans un français impeccable: «Les gens autour de moi me demandent aujourd'hui ce qui s'est passé et je leur réponds qu'ils n'ont vu que la vidéo, pas ce qui précède. Les spectateurs lançaient des bouteilles, des cannettes et crachaient sur nos joueurs. Il y avait des menaces. Nos joueurs ne l'ont pas accepté.

«Les spectateurs n'avaient même pas le droit d'entrer avec de l'alcool. Mais ils sautaient les barricades et les placiers ont décidé de les ouvrir pour éviter des blessures.

«Il n'y avait pas de sécurité autour de nous. Le seul gardien de parc demandait de l'aide au téléphone, mais son patron lui a répondu de se débrouiller tout seul. Un homme dans la cinquantaine est venu me menacer personnellement, alors j'ai fait le 911.

«J'aimerais préciser que les joueurs et les entraîneurs des Hurricanes n'ont rien à voir là-dedans. Ils étaient désolés pour nous. Je blâme par contre la direction du club de ne pas nous avoir protégés.»

Pour ajouter aux malheurs des Cougars, ils ont été éliminés ce jour-là.

Maintenant que la poussière retombe, faut-il encore conclure que les Cougars de Saint-Léonard sont une bande de voyous?

Image: YouTube