L'armée britannique ferait mieux d'y penser deux fois avant de revenir sur les plaines d'Abraham. Elle pourrait tomber sur Fernand Marcotte et les élèves de son école de boxe en plein air.

Marcotte est un sujet de rêve pour un journaliste. Vous n'avez qu'à vous présenter, à lui dire bonjour et il se met à parler...

«Arturo Gatti devait venir à mon école. Il voulait lancer la sienne. Il m'a téléphoné avant de partir pour le Brésil...

«Je l'avais croisé à une soirée de boxe et il m'avait abordé. Il m'avait dit qu'il venait à mes combats au Centre Paul-Sauvé quand il était adolescent. Ça m'avait flatté, il était une grande vedette à ce moment-là. On était restés en contact. Je ne crois pas une seconde qu'il se soit suicidé...»

Fernand Marcotte fils, 61 ans, en paraît 10 de moins dans son costume de gymnastique moulant. Par une journée maussade sur les Plaines, il entraînait 10 élèves. Six hommes et quatre femmes. De 20 à 50 ans.

«D'habitude, j'ai plus de femmes que d'hommes. Même chose au cégep de Sainte-Foy, où je donne des cours dans un gymnase aux adultes et aux étudiants...»

La boxe est à la mode, comme on sait.

Marcotte est plutôt bon coach. Pas trop dur, mais pas trop mou. Il a déjà entraîné des joueurs du Canadien et des Nordiques...

«Il faut quand même qu'ils respectent la discipline de base. Sinon, on perd notre temps.»

Retour dans le temps

Reculons de 40 ans, au Centre Paul-Sauvé justement, à l'âge d'or pour les boxeurs locaux. C'était aussi l'époque où les gradins étaient remplis de mafiosi, de Hells Angels et de personnages louches de tout acabit.

«Moi, je ne m'en apercevais pas tellement parce que mon père me protégeait. Pour arriver jusqu'à moi, il fallait passer par lui.»

Il reste que...

«À mes débuts, j'ai affronté Donato Paduano deux fois. J'ai été le premier à l'envoyer au tapis. Dans le premier combat, il est allé au plancher en première ronde, il s'est relevé et j'ai remporté une décision partagée. Mais après le match, dans le vestiaire, un officiel est venu nous dire que la décision était renversée et que c'était un combat nul. Mon père était furieux.

«Les spectateurs qui avaient parié contre moi étaient furieux aussi. Ils avaient payé leur pari et quand la décision a été renversée, ils cherchaient les gars de Québec qui avaient empoché l'argent. Ça courait partout dans les gradins, il y a eu de la bagarre...

«Dans le deuxième combat, j'ai encore envoyé Paduano au plancher en première ronde. Mais en deuxième, mes yeux se sont mis à brûler. J'avais du mal à voir. L'homme de coin de Paduano, Roger Larivée, avait échappé de l'ammoniaque sur les gants de Donato. Échappé... Je courais après l'arbitre pour protester et pour qu'il fasse quelque chose. Je ne voyais presque rien. Et Paduano courait après moi pour me frapper encore. C'était un cirque.»

Il y a quelques mois, au lancement de l'excellent documentaire sur l'histoire la boxe au Québec, on trouvait Marcotte et Paduano assis à la même table, comme deux vieux amis.

«Donato est un bon bonhomme. Mais ça me fait de la peine quand je vois des gars de ma génération qui n'ont pas pris soin de leur corps et de leur santé. Moi, à 18 ans, je me suis dit que je n'aurais jamais de bedaine. (Il n'en a pas.) Je cours 10 kilomètres facilement.»

Fernand Marcotte a livré quelques furieux combats contre Eddie Melo, la vedette montréalaise.

«J'arrivais à Montréal et la foule prenait pour Melo. (Le promoteur) Régis Lévesque le faisait passer pour un Italien, mais c'était un Portugais. Les huées me motivaient, ça me crinquait encore plus...

«Eddie était un bon garçon. S'il avait été mieux entouré, il aurait été champion canadien. Ce qui lui est arrivé est dommage.» (Eddie Melo a été assassiné à Toronto quelques années après sa retraite de la boxe. Il faisait partie du monde interlope.)

«Mais le meilleur boxeur que j'aie vu au Canada, c'est Dave Hilton fils. Il était aussi bon que Sugar Ray Leonard et il frappait plus fort. Encore là, son histoire est triste.»

Fernand Marcotte père

À l'époque, on ne voyait jamais Fernand Marcotte fils sans son père, qui était aussi son entraîneur, gérant et conseiller dans tous les aspects de la vie.

«Mon père l'avait, l'affaire. Il avait compris comment la boxe fonctionnait. Pour un combat à Montréal, il avait exigé du promoteur Alfred Veronneau qu'il me donne la première rangée de sièges au bord de l'arène de mon côté. Veronneau avait accepté, mais quand on est arrivés pour l'entraînement public, Veronneau nous a dit qu'il avait vendu la rangée à des hommes très riches et qu'il n'avait plus de sièges pour nous.

«Mon père n'a pas protesté. Il m'a dit Junior - il m'appelait toujours Junior -, tu vas te blesser à l'entraînement. On a dit que j'étais blessé à une main et qu'on annulait le combat. Veronneau a fait poser pour nous une nouvelle rangée de sièges devant la première rangée...»

Bute à Québec

Fernand Marcotte s'enflamme quand il parle du combat entre Lucian Bute et Librado Andrade qui aura lieu au Colisée Pepsi de Québec le 28 novembre.

«Je n'en reviens pas encore. Je ne pensais jamais voir ce combat ici. On va certainement emplir le Colisée. Il y aura 15 000, 16 000 personnes.

«Je pense que ça va être moins facile pour Bute cette fois. Il a dominé facilement le premier combat, mais Andrade lui a fait mal à la fin et les deux boxeurs s'en souviennent. Ce ne sera pas le même combat...»

Fions-nous à l'expérience de Fernand Marcotte, deux fois champion canadien.

Pendant l'entrevue, quelques-uns de ses élèves sont venus écouter leur entraîneur, comme s'ils ne voulaient pas le quitter.

Nous serions encore en train de bavarder si sa compagne Mariette et sa petite-fille Meghan, 7 ans, n'étaient pas venues lui rappeler qu'ils avaient rendez-vous pour souper. Fernand et Mariette forment un couple depuis 34 ans. Elle était à tous ses combats au Centre Paul-Sauvé. Mariette était toujours la plus jolie. Il l'appelle «ma blonde».

Si ça vous dit, consultez le site www.fernandmarcotte.com.

Phoo: Laetita Deconinck, Le Soleil

Ex-champion canadien, Fernand Marcotte fils, âgé de 61 ans, donne des cours de boxe à Québec et demeure toujours aussi passionné de son sport.