Lorsque Lucian Bute a revu les images de la fin de son combat contre Librado Andrade, il a dû être surpris de se voir au plancher avec un air aussi hagard. De quoi ébranler l'orgueil et peut-être même la confiance...

Tout ça est du domaine de Robert Schinke, docteur en psychologie sportive de l'Université Laurentian à Sudbury. Le docteur Schinke travaille pour InterBox depuis plusieurs années. Il a été le conseiller d'Éric Lucas avant l'arrivée de Bute.

Alors, y aura-t-il des séquelles dans la cervelle du champion?

«Tout dépend du debriefing. Si nous sommes capables de comprendre pourquoi certains événements se sont produits et comment procéder pour la suite, cette expérience pourrait même être utile. Il y a quelque chose à apprendre dans toutes les épreuves que nous subissons. Nous allons nous rencontrer dans les prochains jours et parler de tout ça.

«S'agissait-il d'un manque de concentration, de fatigue? Nous avions anticipé un combat de 12 rounds. Il faudra mettre tout ça au clair. Lucian a tout de même remporté 10 rondes sur 12...»

Dans les heures qui ont précédé le combat, le clan Andrade a menacé de ne pas se battre, une histoire louche de choix de gants, qui aurait bien pu perturber Lucian Bute.

«J'étais dans le vestiaire de Bute avant le combat. Cette discussion ne l'a pas affecté du tout. Son entraîneur, Stéphane Larouche, était préoccupé, par contre, et c'est normal...»

Les psychologues sportifs sont apparus il y a une dizaine d'années et font maintenant partie intégrante de toute organisation sportive qui se respecte. Robert Schinke a travaillé avec des hockeyeurs professionnels et amateurs, avec les équipes olympiques de patinage artistique, de badminton, de tir, de sports équestres (le docteur a aussi été membre de l'équipe olympique de sports équestres...) Il se spécialise maintenant dans les sports de combat.

«C'est une question de temps. J'enseigne, je publie des articles, je suis président de comité d'éthique de l'université et de l'association des psychologues sportifs... Je suis très occupé. Je me rends auprès de Bute trois semaines avant le combat et je passe la semaine qui précède le combat avec lui.

«En sports d'équipe, on travaille sur la dynamique de groupe, l'unité, la construction de l'équipe et les communications internes... C'est différent des sports individuels.»

Et quelle sorte de sujet est Lucian Bute?

«C'est un homme extraordinairement intelligent, très articulé, qui possède une grande capacité d'adaptation. Mais sa plus grande qualité est l'honnêteté, avec lui-même et avec son entourage. Il parle de ce qui l'inquiète tout de suite. Il fait face aux questions directement, il ne les évite pas.

«On construit la confiance d'abord avec une planification précise. On doit trouver des réponses à toutes les questions. Il ne doit y avoir rien de flou. Cette franchise de Bute, sa capacité d'affronter directement toutes les interrogations feront de lui un champion à long terme.

«Et puis c'est un homme de coeur, un homme qui pense aux autres et les respecte. Ce n'est pas un égocentrique. On voit beaucoup de boxeurs égoïstes qui se plaignent toujours, qui changent continuellement d'entraîneur, qui ne pensent qu'à leur argent. Ils n'ont de loyauté envers personne, ils n'ont aucune transparence.

«J'ai connu Leonard Dorin aussi. Lui n'a jamais appris le français, il ne s'intéressait pas à la communauté, il était renfermé sur lui-même, il ne parlait pas beaucoup. Son compatriote Bute est tout le contraire. Très près de la communauté et de son équipe, il est capable d'éviter et de régler bien des problèmes parce que ce qui l'entoure est solide.»

Et Éric Lucas?

«Ils se ressemblent. Lucas est très intelligent et il respecte le public, les médias... Il en fait toujours plus. Ce sont des hommes intègres. Pour moi, les connaître est un privilège que j'apprécie beaucoup.

«Stéphane Larouche est un grand entraîneur. Deux jours avant le combat, il a amené Lucian au spectacle de Madonna. Il voulait le faire veiller - le combat contre Andrade était prévu à minuit - et lui faire sentir l'ambiance du Centre Bell... Une excellente idée.

«Il y a chez InterBox une ambiance familiale. On voit que ces gars-là, Bute, Lucas, Larouche, Bouchard, Jean Bédard aiment travailler ensemble et aiment se fréquenter. Je me prête au jeu moi-même quand je suis à Montréal et c'est très agréable. Lucian Bute a refusé une offre américaine qui lui aurait procuré plus d'argent, ne l'oubliez pas. Il est en famille à Montréal.»

Espérons que les images humiliantes de vendredi dernier ne lui colleront pas trop longtemps dans la tête...