Il était ironique, mardi, d'entendre François Legault dire qu'il faut parler d'immigration de façon « responsable ». Le même François Legault qui, au micro de Paul Arcand quelques heures plus tôt, s'enfargeait de façon ridicule dans les fleurs du burkini avec cette idée de « test de valeurs » pour nouveaux arrivants qui permettrait à un gouvernement caquiste de distinguer les fières porteuses de bikini des vilaines adeptes du burkini.

Tout ça au nom de l'égalité hommes-femmes, bien sûr, dans un parti qui, faut-il le préciser, était bon dernier en matière de candidatures féminines aux dernières élections, avec moins de 25 % de candidates. Voilà qui n'est pas très sérieux pour qui prétend se poser en grand défenseur de l'égalité hommes-femmes.

« Des immigrants, il faut en prendre moins, mais en prendre soin. » La formule de la Coalition avenir Québec (CAQ) utilisée pour réclamer une baisse des seuils d'immigration est bien jolie. Mais dans le contexte toxique où se déroule ce débat, difficile de ne pas être sceptique.

Prendre soin des nouveaux arrivants, c'est leur donner le soutien nécessaire à l'intégration - ce qui inclut la francisation et une meilleure reconnaissance des compétences des immigrants -, oui, bien sûr. Mais c'est aussi s'assurer de créer un climat respectueux où l'Autre qu'on dit vouloir accueillir n'est pas sans cesse représenté comme un dangereux barbare en puissance qui menace l'identité québécoise.

Se défendant de surfer sur le faux débat du burkini importé de France, M. Legault dit que ce sont les journalistes qui lui ont posé des questions à ce sujet même quand il voulait parler d'économie. Les médias ont certainement leur examen de conscience à faire sur la façon dont ils abordent les enjeux de l'immigration. Les politiciens ne sont pas responsables des questions qu'on leur pose, c'est vrai. Ils sont toutefois entièrement responsables de leurs réponses.

Or, dans cette histoire de burkini - qui a plus à voir avec l'opportunisme politique qu'avec l'égalité hommes-femmes -, personne n'a forcé M. Legault à s'engager sur la voie du populisme. Personne ne l'a obligé à flatter des électeurs dans le sens de leur peur.

Cela ne fait pas du chef de la CAQ un Trump en puissance - la comparaison est outrancière. Mais on s'attend certainement à mieux d'un politicien qui en appelle lui-même au débat responsable.

Soyons clairs. Débattre d'intégration et de seuils d'immigration n'est pas en soi irresponsable ou raciste. Il s'agit d'un débat légitime. Mais tout dépend de la façon dont le débat est mené. Cette question est sérieuse. Il faut l'aborder avec sérieux en évitant de donner des réponses simplistes à des questions complexes.

La majorité des Québécois d'adoption ne demandent qu'à s'intégrer, travailler et vivre en paix. Encore faut-il leur donner les moyens de le faire. Le problème de chômage et de non-reconnaissance des compétences d'immigrants pourtant plus diplômés que la moyenne de la population est criant. Mais qui s'y intéresse vraiment ?

La CAQ prétend s'y intéresser en proposant de réduire de 20 % (10 000) le nombre d'immigrants accueillis par année - on passerait de 50 000 à 40 000. Pourquoi 40 000 ? Sur quelle étude s'est fondé M. Legault ? C'est loin d'être clair. Son attaché de presse me dit que M. Legault s'appuie notamment sur le mémoire de l'économiste Pierre Fortin déposé à la Commission des relations avec les citoyens, qui explique que l'immigration n'est ni une solution à la pénurie de main-d'oeuvre ni un remède au vieillissement de la population.

Je me suis empressée d'aller lire le mémoire en question. Recommandation numéro un : « Garder le nombre d'immigrants constant (autour de 50 000). »

On s'appuie donc sur un mémoire qui recommande un seuil de 50 000 pour proposer de l'abaisser à 40 000. Cherchez l'erreur...

Vingt pour cent moins d'immigrants ? Commençons par 20 % moins de populisme et on s'en porterait déjà mieux.