Il y a celui qui coupe. Et celui qui pourfend les coupes.

Dans le coin droit, un premier ministre qui justifie les coupes dans les centres de la petite enfance (CPE) en invoquant un « effort normal » pour « avoir les meilleurs services possibles au meilleur coût possible ». On croirait entendre le slogan d'un vendeur de vestons. Bonnes coupes, bon prix... Mais encore ?

Dans le coin gauche, un chef de l'opposition qui, tout en disant défendre cette « belle et grande institution que constitue le CPE », est forcé d'admettre qu'il n'en a pas toujours été un grand défenseur. En 2000, Québecor, alors dirigé par Pierre Karl Péladeau, a tenté d'évincer de façon cavalière un CPE, comme on le rapportait mardi. Pas exactement ce que l'on attend de quelqu'un qui tient aux CPE comme à la prunelle de ses yeux. M. Péladeau avoue lui-même en rétrospective que c'était « une très mauvaise idée ».

Il y a celui qui coupe. Et celui qui pourfend les coupes. Entre les deux, au-delà des calculs à courte vue et des vestes retournées au moment opportun, il y a surtout des enfants et des familles qui méritent mieux. Mieux qu'un gouvernement qui regarde les services à la petite enfance d'un strict point de vue comptable et qui essaie de nous convaincre qu'il le fait pour le bien des « générations futures ». Car si on veut vraiment le bien des générations futures, la dernière chose à faire est de couper dans l'éducation préscolaire. C'est du moins ce que nous disent quantité d'études sur le sujet. Les services éducatifs à la petite enfance ne sont pas un luxe. Ce que l'on voit comme une dépense à court terme se révèle à long terme le meilleur investissement qui soit. En fait, il n'y a pas d'investissement social plus rentable que l'investissement en éducation préscolaire. Rien de mieux pour aplanir les inégalités sociales et ainsi prévenir toutes sortes de problèmes aux coûts sociaux faramineux. Ce n'est pas moi qui le dis, mais des gens très sérieux comme l'économiste James Heckman, lauréat du prix Nobel en 2000.

Malgré tout, bien des gens continuent - à tort - de concevoir les services à la petite enfance comme de simples services de gardiennage permettant aux parents d'occuper leur progéniture pendant les heures de bureau. Ils oublient que le programme universel mis en place en 1997 était beaucoup plus que ça. Au-delà des objectifs de conciliation travail-famille, le programme était aussi un programme éducatif. Il visait à soutenir le développement des enfants les plus vulnérables et à réduire les inégalités sociales. Il s'agissait d'une mesure progressiste permettant de faire reculer la pauvreté et d'accroître le nombre de mères sur le marché du travail.

On sait aujourd'hui que la politique publique mise en place par le Parti québécois, bien qu'imparfaite, a quand même permis au Québec d'avancer sur la route du progrès social. Le programme a favorisé le retour au travail de milliers de femmes. Il a bel et bien contribué à faire reculer la pauvreté. Il a donné un bon départ dans la vie à de nombreux enfants.

En dépit de cette réussite indéniable, il subsiste d'importants problèmes dans les services à la petite enfance. Le plus grave, c'est que l'on tolère qu'un trop grand nombre de garderies soient de qualité médiocre. En décembre, l'enquête Grandir en qualité de l'Institut de la statistique du Québec révélait que 40 % des poupons et 36 % des enfants de 18 mois à 5 ans recevaient des services insatisfaisants dans les garderies privées non subventionnées. Des résultats pour le moins ahurissants pour qui a un tantinet à coeur les « générations futures ».

De façon générale, même si des améliorations s'imposent, l'enquête confirme encore une fois qu'en comparaison, les CPE offrent des services de meilleure qualité. Rares sont ceux dont les services sont jugés insatisfaisants (2 % pour les poupons et 4 % pour les 18 mois à 5 ans). À l'autre bout du spectre, on note que plus des deux tiers des poupons qui leur sont confiés bénéficient de services considérés comme bons ou excellents. Dans les garderies privées non subventionnées, cette proportion n'est que de 10 %. Trop souvent, les services qui y sont offerts sont de qualité médiocre - quand ils ne sont pas carrément de mauvaise qualité.

Or, n'est-ce pas précisément ce modèle de garderies privées qui semble être favorisé par les compressions du gouvernement Couillard ? Est-ce vraiment ce qu'on veut pour les « générations futures » ? Et si oui, n'y voyez-vous pas comme moi un inquiétant signe de recul social ?

Bonnes coupes, bon prix ? Non. Mauvaises coupes. Lourd prix.