Ailleurs, on s'en vanterait davantage. Ici, la nouvelle est passée presque inaperçue, la semaine dernière. Les élèves québécois brillent encore parmi les meilleurs en mathématiques, révélait l'enquête internationale PISA, considérée comme les Jeux olympiques de l'éducation.

Il y a bien eu quelques applaudissements ici et un peu d'incrédulité là. Mais somme toute, la remise des bulletins PISA n'a pas soulevé la controverse au Québec comme ce fut le cas en Europe et aux États-Unis, où on a assisté à de grandes scènes de jalousie et d'autoflagellation.

En France, les résultats, pourtant pas si désastreux, ont été accueillis comme une catastrophe nationale. «L'école française est-elle nulle?», demandaient certains médias. L'école, cancre de la République? Dans le quotidien Le Monde, on a senti le besoin de rappeler qu'il n'y a pas que les bonnes notes dans la vie. Il y a aussi la vie... La Corée a beau avoir les meilleurs élèves en maths, elle a aussi les élèves les plus malheureux du monde, a-t-on souligné à grands traits.

Aux États-Unis, on semble avoir mal digéré le fait de se retrouver loin derrière le peloton de tête asiatique. Attention au «PISA envy» ! ont dit certains. «La Chine triche», a dit le Time, mécontent de voir Shanghai se hisser au sommet du palmarès. Pourquoi la Chine aurait-elle le droit d'envoyer seulement les résultats de Shanghai, sa capitale économique, et pas ceux du reste du pays?

«Mauvais perdants!», a répliqué mardi l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), maître d'oeuvre de l'enquête PISA (pour Programme international pour le suivi des acquis des élèves). «Chaque fois qu'un Américain ou un Européen gagne une médaille d'or, on le salue comme un héros. Mais quand un Chinois y arrive, le premier réflexe semble être de le soupçonner de dopage, ou à tout le moins de dire que ce doit être le résultat d'un entraînement inhumain», a dit Andreas Schleicher, conseiller spécial du secrétaire général de l'OCDE pour l'éducation et directeur du PISA.

Que faut-il comprendre de tout ça? Le PISA est-il, comme il prétend l'être, « LA » référence mondiale dans le domaine de l'éducation? Comment interpréter les résultats québécois?

J'ai posé ces questions à Claude Lessard, président du Conseil supérieur de l'éducation, qui suit toujours ces olympiades éducatives avec beaucoup d'intérêt.

Des Jeux olympiques qui, souligne-t-il d'emblée, ont bien sûr leurs bons et leurs mauvais côtés. «Un des mauvais côtés, c'est l'insistance sur les rangs plutôt que sur les scores, dit-il. L'aspect concurrence est un peu ridicule.»

> À propos des accusations de tricherie visant la Chine: «La Chine n'a pas triché au sens strict du terme. Mais elle a fonctionné avec un accord avec l'OCDE qui était différent de celui des autres pays. Au sens strict, ce n'est pas la Chine qui a été évaluée, mais quelques villes. C'est comme si on se limitait à Westmount ou à Mont-Royal pour évaluer les apprentissages au Québec.

«Il faudrait peut-être changer les règles qui sont convenues avec l'OCDE pour la Chine. Ça empêche de vraiment comparer les résultats de la Chine avec ceux de l'ensemble des autres pays.»

> À propos des très bons résultats du Québec en mathématiques: «Je trouve qu'il n'y a pas de raisons de paraître incrédule. Ce n'est pas nouveau. Cela fait longtemps qu'on est, sinon dans la moyenne, au-dessus de la moyenne pour ce qui est des mathématiques.»

Cette bonne performance, Claude Lessard l'attribue à la qualité des professeurs, à la qualité des programmes et au fait que le Québec a, depuis longtemps, une approche de résolution de problèmes en mathématiques. «Il y a une concordance entre le curriculum enseigné et ce que mesure PISA. Ce qui n'est pas le cas partout dans le monde.»

Les enseignants et leurs élèves peuvent vraiment être fiers d'être dans le peloton de tête. «En éducation, on prend les objets de fierté quand il y en a!»

> À propos des résultats du Québec en sciences, qui se situent sous la moyenne canadienne: «La place des sciences à l'école primaire est un vieux problème qui n'est toujours pas réglé. [...] L'Alberta performe mieux, mais il y a deux fois plus de temps consacré à l'enseignement des sciences au primaire. Ça fait une différence.»

> À propos des résultats en compréhension de l'écrit, qui sont à la baisse: «La baisse est relative. Elle n'est pas catastrophique. Mais il faut faire attention.» Le Québec est toutefois sur la bonne voie. «Depuis quelques années, avec l'insistance que l'on met sur la petite enfance, la maternelle 4 ans en milieu défavorisé, l'enseignement de la lecture au primaire et tout le travail qui se fait autour de l'intervention précoce... Tout cela devrait donner des résultats. J'en suis convaincu.»

> Un dernier aspect très important: «Ce que PISA montre aussi - et là, il y a un objet de fierté pour le Québec et pour le Canada - , c'est que notre système scolaire est relativement plus équitable que d'autres systèmes. Il est moins inégalitaire.»

Ce n'est pas le cas en France - c'est bien le problème le plus fondamental du système français. Ce n'est pas le cas aux États-Unis non plus, où certains ont lamentablement défendu les piètres résultats obtenus en disant: «Si on fait fi des élèves pauvres, nous sommes les meilleurs...»

Les résultats de l'enquête PISA montrent que, si on le veut bien, l'équité peut très bien être au service de l'excellence.