Si la mort de 20 enfants innocents dans une école ne suffit pas à faire changer les choses en matière de contrôle des armes à feu aux États-Unis, on se demande bien ce que cela prendra.

Ainsi le président Obama a-t-il annoncé hier son plan pour un contrôle plus strict des armes. Il l'a fait un mois après le massacre de Newtown, au Connecticut. C'était le 14 décembre. Un jour noir où un tireur fou a fait irruption dans une école. Ce soir-là, 20 enfants de 6 et 7 ans ne sont pas rentrés à la maison. Leur vie s'est arrêtée dans une flaque de sang. Comme celle de six adultes qui ont tenté de les protéger. L'Amérique a pleuré comme elle a rarement pleuré. L'horreur et l'effroi à son comble.

Ce n'était pas la première tuerie du genre dans ce pays où on compte presque autant d'armes que d'habitants. Il y a eu Columbine, il y a eu Virginia Tech, il y en a eu tant d'autres... Il y a eu toutes ces fois où on a dit «plus jamais» sans que cela change quoi que ce soit. Mais au lendemain de la tragédie de Newtown, pour la première fois peut-être dans l'histoire américaine, devant les tombes de ces enfants au visage angélique, il semble y avoir eu une prise de conscience plus profonde. Après le sang et les larmes, l'indignation et la volonté d'agir.

La plupart des mesures proposées par Obama pour éviter que de telles tragédies se reproduisent et pour lutter contre la violence «ordinaire» attribuable aux armes tombent sous le sens. En matière de contrôle des armes, les États-Unis ont les lois les moins sévères de tous les pays industrialisés. Les enfants américains de 5 à 14 ans ont 13 fois plus de risques d'être tués avec des armes à feu que les enfants des autres pays industrialisés. Ce n'est pas normal.

Le plan d'Obama inclut un renforcement de la vérification des antécédents des acheteurs d'armes et la volonté d'empêcher des personnes dangereuses d'y avoir accès. En ce moment, 40% des armes vendues aux États-Unis échappent à de tels contrôles. Le président a aussi appelé le Congrès à interdire les chargeurs de grande capacité et les armes d'assaut. Ça semble aller de soi. Ce qui ne veut pas dire que ce sera simple.

Obama a beau dire qu'il mettra tout son poids pour que les choses changent, ses adversaires ont le pouvoir de bloquer les mesures qui mécontentent le puissant lobby des marchands d'armes, déjà prêt à mener la «bataille du siècle». D'où cet appel du président aux citoyens pour qu'ils fassent pression sur leurs élus. «Demandez-leur ce qui est le plus important: avoir une bonne note du lobby des armes, qui finance leurs campagnes, à tout prix? Ou rassurer les parents qui déposent leurs enfants à l'école primaire?»

Le 14 décembre, des parents ont déposé leurs enfants à l'école Sandy Hook sans savoir que c'était la dernière fois qu'ils pouvaient les serrer dans leurs bras. Parmi ces enfants, il y avait Grace, 7 ans, a rappelé hier le président Obama à la toute fin de son discours. Une belle petite fille joyeuse. Elle aimait le rose. Elle aimait la plage. Elle rêvait de devenir peintre.

Grace est morte sous les balles du tireur de Sandy Hook. Son père a donné une de ses peintures à Barack Obama. Le président l'a accrochée dans son bureau. Chaque fois qu'il la regarde, il pense à Grace. À sa courte vie et à celle qu'elle n'a pas vécue. Et à la responsabilité d'agir, en son nom et au nom de toutes les victimes de violence aux États-Unis. Pour dire une fois pour toutes «plus jamais».