Si l'avis du Conseil supérieur de l'éducation rendu public hier était un bulletin scolaire, la ministre de l'Éducation aurait sans doute reçu un C pour son controversé projet de modification du régime pédagogique. C pour travail vite fait, mal fait et surtout mal expliqué.

Sans grande surprise, le Conseil supérieur de l'éducation invite donc la ministre Michelle Courchesne à refaire ses devoirs avec plus de clarté. Si certaines des modifications proposées comportent des avantages, concède le Conseil, il n'en demeure pas moins que le projet dans son ensemble ne respecte pas les critères attendus de pertinence, de cohérence et de faisabilité. Les modifications au calendrier scolaire risquent même d'entraîner une «perte de repères sociaux», avertit le Conseil.

On se souviendra qu'à la mi-février, la ministre Michelle Courchesne a déposé un projet de modification du régime pédagogique qui entraînerait entre autres des changements au calendrier scolaire. Elle l'a fait sans préavis ni débat, ce qui a surpris de nombreux acteurs du milieu de l'éducation. La ministre plaidait (et plaide encore) que le but de ces modifications est d'accorder plus de flexibilité aux écoles afin de favoriser la persévérance scolaire. On a su ensuite que des modifications au calendrier visaient à ramener sur la voie de la légalité des écoles juives orthodoxes illégales. La surprise s'est alors transformée en grogne. La ministre a eu beau se défendre en disant que l'entente avec ces écoles illégales n'était qu'un «effet collatéral» d'un projet beaucoup plus vaste, elle n'a pas été convaincante.

Dans une société en quête d'identité laïque, où la moindre histoire d'accommodements religieux suscite les passions, négocier une telle entente en catimini était sans aucun doute une mauvaise idée. C'est dommage, car cette mauvaise idée a noyé les quelques autres bonnes idées que contient le projet de la ministre.

Que fera Michelle Courchesne? Si elle refuse d'abandonner complètement son projet, la ministre consent à modifier certaines choses et à en abolir d'autres. La question des jours fériés, par exemple, qui a semé la panique chez certains. «On va les remettre! Si ce n'est que ça, moi, je n'ai pas de problème à les remettre», m'a dit la ministre en fin d'après-midi hier.

Il n'a jamais été question de faire travailler les gens à Noël et à Pâques, insiste Mme Courchesne. Il n'a jamais non plus été question de permettre aux écoles juives orthodoxes d'enseigner durant les jours fériés. «Ça n'a rien à voir avec les écoles juives d'aucune façon», dit-elle. Car ces écoles, pour respecter le régime pédagogique, devront embaucher des «professeurs québécois diplômés de nos universités» qui enseigneront les matières de base. «Ces professeurs vont être soumis aux lois. Ils n'auront pas le droit de travailler le 24 juin ou le 25 décembre.»

Mais pourquoi au départ avoir voulu abolir les fériés du régime pédagogique si ça ne change rien? ai-je demandé à la ministre. Par souci d'alléger les textes, d'être moins bureaucratique, répond-elle. «On essaie de rendre nos documents plus simples et plus adaptés à là où sont les juridictions.» Les fériés sont déjà régis par la Loi sur les normes du travail. Et la convention collective des enseignants prévoit déjà que les fins de semaine sont des journées de congé.

Ces explications me laissent sceptique, de la même façon qu'elles continuent de laisser sceptiques bien des gens du milieu de l'éducation. Si le projet de la ministre Courchesne comporte plusieurs nobles objectifs, sa façon maladroite de le défendre a fini par nuire à sa crédibilité. Elle reconnaît d'ailleurs elle-même qu'elle aurait dû être plus transparente. «Mais est-ce qu'il faut jeter le bébé avec l'eau du bain alors que ça peut faire la différence pour certains jeunes ? demande-t-elle. Non.»

Non, sans doute pas. Mais pour passer d'une note de C à un A qui sauverait le bébé, la ministre a bien du pain sur la planche. Le régime pédagogique est un contrat social. Et pour que le contrat social soit porteur, l'existence d'un lien de confiance entre les signataires du contrat est essentielle.