Je me suis convertie à Twitter il y a un mois à peine, plus sceptique qu'enthousiaste devant ce média social que je voyais avant tout comme un incroyable avaleur de temps. Je savais bien sûr que Twitter avait déjà prouvé sa pertinence, à l'occasion du soulèvement des élections iraniennes, notamment. Mais il me semblait que cette pertinence était le plus souvent l'exception qui confirme la règle.

Mais voilà, cette semaine, dans les minutes qui ont suivi le tremblement de terre en Haïti, j'ai été soufflée par la force de ce réseau de microblogueurs. En quelques heures, alors que les communications étaient rompues avec Port-au-Prince, le réseau gratuit de twitter.com, qui peut être utilisé à partir de n'importe quel téléphone intelligent, est devenu le premier fil de presse de la tragédie haïtienne. C'est en y suivant les messages en 140 caractères de gens comme l'animateur de radio Carel Pedre (@carelpedre), le photojournaliste Frederic Dupoux (@fredodupoux) ou encore le musicien Richard Morse (@RAMhaiti) que j'ai pu lire les premiers témoignages à chaud en provenance d'Haïti.

 

Rapidement, alors que nous n'avions encore aucune image du séisme, le fil de Twitter est devenu une source d'information incontournable. Une chronique nécrologique en direct. Une chronique d'espoir aussi. Et un réseau de solidarité sans pareil pour tous ceux qui sont sans nouvelles de leurs proches.

Mardi soir, quelques minutes après le tremblement de terre, Haïti est devenu le mot le plus populaire sur Twitter. En plus de permettre la collecte des premiers témoignages et des premières images de gens qui étaient sur le terrain, les utilisateurs du réseau ont pu partager une mine d'informations précieuses. Des suggestions pour venir en aide aux Haïtiens. Des avis de recherche crève-coeur. Des liens vers des reportages et des analyses qui ne peuvent être comprimés en 140 caractères.

Dans ce grand buffet d'information, il y a bien sûr eu quelques couacs, facilités par l'anonymat du web. Si Twitter permet de recueillir des témoignages pertinents et de donner un nouveau souffle à des initiatives de solidarité, tout ce qui y est écrit n'est pas forcément vrai. Une poignée d'arnaqueurs et de marchands de fausses rumeurs y sévissent. Des demi-vérités et des mensonges, à force d'être repris, finissent par être travestis en vérités. Des plaisantins ont notamment fait circuler une fausse information selon laquelle American Airlines offrait des vols gratuits vers Haïti pour les médecins et les infirmières. Le numéro joint au message était en fait celui du consulat haïtien à New York. Et comme le message a été relayé par de nombreux internautes, le consulat, déjà débordé, a été assailli d'appels inutiles.

Cela dit, de façon générale, Twitter s'est révélé plus utile que jamais au lendemain du tremblement de terre en Haïti. Par son bouche à oreille rapide et efficace, il aura permis, avec les autres réseaux sociaux, d'amasser des sommes records pour des organismes humanitaires. Du 12 au 14 janvier, il y a eu 2,3 millions de messages («tweets») mentionnant Haïti ou la Croix-Rouge, selon la firme Sysomos. La grande majorité de ces messages provenaient des États-Unis et du Canada. Et il y a eu près de 190 000 tweets mentionnant le code 90999, qui sert à faire un don de 10$ à la Croix-Rouge par messagerie texte. Hier, la Croix-Rouge américaine disait avoir reçu un million de messages textes et ainsi amassé 10 millions US. De son côté, le chanteur d'origine haïtienne Wyclef Jean, qui a fait campagne sur Twitter pour Yele Haïti, a réussi à amasser 2 millions grâce à de petites contributions de 5$.

Ainsi mobilisé par la tragédie haïtienne, Twitter a révélé le meilleur de lui-même. Ce n'était plus cette place publique ouverte aux quatre vents où l'on va pour se distraire de l'essentiel. Ce n'était plus le lieu où des gens ressentent ce besoin vital de nous livrer des renseignements aussi importants que l'heure à laquelle ils ont pris leur douche et ce qu'ils ont mangé pour déjeuner. Non. D'un coup, Twitter est devenu une porte d'entrée vers l'essentiel. Une agora profondément humaine, civilisée, intelligente, dont on ressort moins ignorant. Un fil entre des gens qui se sentent seuls et impuissants devant la tragédie. Des gens qui, malgré leur peine immense, se sentent un peu moins seuls, un peu moins impuissants.