Être en retard peut avoir ses vertus. Voyez la campagne de vaccination des groupes cibles qui a commencé hier à Montréal. Même s'il reste ici et là quelques problèmes à régler, on peut dire de façon générale que tout s'est bien déroulé et que les autorités ont pu tirer des leçons du cafouillage de début de campagne.

Au centre de vaccination où je me suis pointée à 7h pour faire vacciner mes petits, il n'y avait pas de file d'attente. Une préposée, tout sourire, m'a tout de suite remis un coupon me permettant de revenir à 9h. Ce que j'ai fait. En moins d'une heure, c'était réglé.

On aime dire du système de santé québécois qu'il est parfois digne d'un pays sous-développé. Mais hier, on aurait pu être dans la plus efficace des cliniques scandinaves. Tout était réglé au quart de tour. Le personnel était efficace et courtois. Gel antiseptique pour tous à l'entrée. Vérification rapide des cartes d'assurance maladie. Petit arrêt dans la salle d'attente bourdonnant d'enfants et de femmes enceintes. À peine ai-je eu le temps de sortir des livres pour faire patienter mes petits monstres qu'on nous appelait par grappe pour aller regarder une vidéo sur le vaccin et ses possibles effets secondaires. Et pour ne pas perdre de temps, on nous a remis, au moment d'entrer dans la salle, un cartable et un crayon pour remplir la fiche de chaque patient. Plusieurs infirmières s'assuraient de réviser les fiches et de poser des questions si nécessaire. Puis, rapidement, on passait dans la petite salle aux grands pleurs.

«Ça pique un peu et c'est tout», a dit l'infirmière en relevant la manche de mon fils de 3 ans, peu rassuré par tous les pleurs de tous ces bébés qui n'aiment pas les piqûres.

Elle avait bien raison. Après la gestion chaotique des premiers jours, après les montées de panique et les baisses du niveau d'éthique, après les files monstrueuses, les cancéreux obligés d'attendre des heures debout dans le froid, les femmes enceintes et les enfants en pleurs condamnés à faire le pied de grue dans des stationnements pendant six heures, voilà qui est plus rassurant. Un petit coupon, un peu d'organisation et c'est réglé. Ça pique un peu et c'est tout.

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Tout va mieux, donc. Mais... Il y a toujours des «mais». Même si la campagne de vaccination va bon train, certains illogismes demeurent. Comme le fait que les enfants du personnel des hôpitaux ne puissent être vaccinés rapidement, ce qui pourrait avoir des conséquences graves sur la capacité de soins au plus fort de la crise.

Hier, des médecins et du personnel soignant de l'hôpital Sainte-Justine ont manifesté pour demander au ministre Yves Bolduc de revoir sa décision. Ce faisant, ils ne demandent pas un traitement de faveur. Ils demandent simplement qu'on leur donne toutes les chances de pouvoir continuer à être au service de leurs patients au moment où le système a le plus besoin d'eux.

On sait qu'il y a déjà une pénurie de personnel dans les hôpitaux. S'il faut en plus que les gens les plus utiles en temps de pandémie s'absentent pour soigner leurs enfants, on ne sera guère plus avancé.

Plutôt que de se retrouver avec un haut taux d'absentéisme qui met en péril des services essentiels, pourquoi donc ne pas permettre aux travailleurs de la santé de vacciner les membres de leur famille sur leurs lieux de travail ? Tout est déjà en place pour le faire. Ce serait une mesure préventive toute simple qui éviterait de plus gros ennuis par la suite. Ça pique un peu et puis c'est tout... Et c'est dans l'intérêt du plus grand nombre.

Depuis le début de la campagne de vaccination, les autorités ont su apprendre de leurs erreurs et rajuster le tir. Mais si je peux permettre, M. Bolduc : il n'est pas nécessaire d'attendre l'erreur pour rajuster le tir. Les travailleurs de la santé sont sur la ligne de front tous les jours. Sur le terrain, ils font des miracles dans un système à bout de souffle. Il me semble que la moindre des choses, dans le contexte, serait de les écouter et de leur permettre de faire leur travail. Car s'il n'y a plus de personnel dans les hôpitaux au plus fort de la pandémie, il sera trop tard pour rajuster le tir.