«Moins les gens sont vaccinés, plus il y aura des gens qui mourront parce qu'il n'y a pas de place aux soins intensifs», a dit le Dr Gaétan Barrette, invité au micro de Christiane Charette, avant-hier.

Dans un virulent plaidoyer pro-vaccin qui n'a laissé personne indifférent, le président de la Fédération des médecins spécialistes a sans doute réussi à convaincre bien des indécis de se faire vacciner contre la grippe A (H1N1).

 

Le discours alarmiste du Dr Barrette - il avouait lui-même jouer à l'épouvantail - avait le mérite d'être efficace. Quand un médecin spécialiste vous dit avec assurance que votre décision de ne pas vous faire vacciner est directement liée à la mort de dizaines, voire de centaines de personnes qui risquent de ne pas obtenir les soins dont ils ont besoin, ça secoue un peu.

Ce qui secoue encore plus, ce sont ces premiers récits crève-coeur sur ces adolescents ontariens qui ont été fauchés par le virus. Discuter du vaccin quand la menace n'est qu'un grand mot est une chose. Mais lorsque la pandémie a un visage, c'en est une autre.

Alors qu'on prévoit que le pire pourrait survenir dès la mi-novembre, la question n'est plus tant de savoir si, oui ou non, il faut se faire vacciner. Mais plutôt: serons-nous vaccinés à temps?

«C'est trop long!» a dit le Dr Barrette, en faisant référence au fait que ses propres enfants ne pourront recevoir le vaccin que le 7 décembre - date à partir de laquelle les enfants de plus de 5 ans et les adultes en bonne santé pourront se faire vacciner.

Pour éviter un taux d'absentéisme élevé chez les travailleurs de la santé, il aurait été préférable de leur permettre de faire vacciner leur famille en priorité, a plaidé le Dr Barrette. Il a sans doute raison. Mais quand on voit qu'on a déjà du mal à faire vacciner les travailleurs de la santé inquiets, cela semble irréaliste.

En Ontario, la question des cas prioritaires s'est posée avec acuité à la suite de la mort foudroyante d'un adolescent de 13 ans. On a décidé de changer l'ordre de vaccination. À New York, on a commencé hier matin à faire vacciner les enfants directement dans les écoles. Ici, les autorités de la Santé publique ont décidé de ne pas changer l'ordre des priorités, à moins que de nouvelles indications scientifiques les poussent à réviser leur scénario.

«Ce qu'on veut, c'est protéger le plus possible puis le plus rapidement possible les clientèles vulnérables», a dit hier le ministre Yves Bolduc. C'est l'attitude la plus responsable dans les circonstances. Sauf que lorsqu'on voit à quelle vitesse le virus se répand dans les écoles, lieu de propagation par excellence, lorsqu'on voit comment il peut, dans des cas rares, mais néanmoins réels, faucher des jeunes qui étaient, hier encore, en pleine santé, il y a lieu de s'inquiéter.

Combien de parents, qui prenaient la menace à la légère jusqu'à présent, se sont raidis en entendant l'histoire de ce hockeyeur ontarien de 13 ans, en pleine santé, qui a été foudroyé par la grippe A (H1N1) en moins de 48 heures? Samedi, il toussait et avait mal à la gorge, mais il était quand même assez en forme pour participer à son tournoi de hockey. Dimanche, sa mère l'a amené à la clinique, où on a examiné ses poumons sans rien noter d'anormal. Lundi, il est mort.

Que dites-vous à la population pour la rassurer? ai-je demandé à Dominique Breton, porte-parole du ministère québécois de la Santé. Sans nier que la situation puisse être inquiétante pour les parents, elle m'a parlé de l'importance d'une saine hygiène et du lavage de mains. Elle m'a aussi parlé de la vaccination qui demeure le meilleur moyen de se protéger. Mais comme la majorité des gens ne pourront se faire vacciner avant le 7 décembre, bien après le pic prévu dès la mi-novembre, le message reste pour le moins ambigu.

La panique est bien mauvaise conseillère. Des experts ontariens rappellent avec raison que les cas gravissimes et foudroyants sont rares. Parmi les gens en bonne santé, on estime qu'une personne sur 20 contractera une forme brève et déplaisante du virus H1N1. Les chances d'en mourir sont d'environ 1 sur 250 000. Si vous cédez à la panique, rappelez-vous tout de même, en vous lavant les mains, que les risques de mourir d'un accident de voiture sont 20 fois plus élevés.

Dans la vie comme dans les pandémies, on ne peut évidemment tout prévoir. La façon dont une personne en santé réagit au virus H1N1 est tout à fait imprévisible. Impossible de prédire quel jeune de 18 ans, de 10 ans ou de 30 ans, qui était auparavant en bonne santé, devra être branché à un ventilateur, a dit lundi le directeur de l'Agence de la santé publique du Canada. Or, ce n'est pas tout à fait vrai, a rappelé hier un éditorial du Globe and Mail. On peut prédire sans se tromper que cela n'arrivera pas aux jeunes de 18 ans, de 10 ans ou de 30 ans qui auront été vaccinés à temps. Il reste à savoir si tous auront le temps d'être vaccinés à temps.