On appelle ça la maternelle, mais en fait, c'est déjà un petit mensonge. Maternelle: «Qui appartient à la mère, lui est propre.» La maternelle, c'est tout le contraire. C'est réaliser encore un petit peu que même si on dit «mon» enfant, il ne nous appartient pas.

Le fond de l'air plus frisquet, le rythme qui s'accélère, l'été qui se faufile vers la sortie. La rentrée, donc. Celle qui nous met au pas. Celle de milliers d'enfants. Mais surtout celle des parents, à vrai dire.

 

En marchant vers l'école, j'observais tous ces parents qui accompagnaient comme moi leurs enfants pour la première fois dans le monde des «grands». Je regardais ces petites mains agrippées aux plus grandes. Dans bien des cas, on aurait dit que c'est les petits qui guidaient leurs parents, comme s'ils leur disaient sans le dire: «Ça va aller.»

«Déjà l'école!» m'a dit la dame du dépanneur chinois, qui a dû me voir passer trois millions de fois devant chez elle avec ma poussette. «Ça passe si vite», a-t-elle lancé avec le sourire apaisant de celle qui sait - elle a eu 13 enfants.

Mon petit homme, du haut de ses 5 ans, marchait le pas léger, sans vraiment réaliser ce qui l'attendait. Il s'était levé très tôt. Il avait hâte. On avait lu ensemble plusieurs fois cet été, comme pour répéter la scène, l'histoire de Léon qui entre à l'école. Dans le livre, le petit Léon arrive à la maternelle, on lui met un écriteau autour du cou avec son nom dessus, il se demande ce que c'est que ce truc qui ressemble à une étiquette dans un magasin. Il se demande si on ne va pas le vendre... Ses parents le rassurent. Jusqu'au moment où il entre dans la classe. L'horreur. Plein d'enfants qui pleurent. Plein de parents qui les consolent. Et là, Léon découvre le subterfuge. «C'était ça, l'école!» Il raconte comment il a pleuré «à l'intérieur pour pas que ça se voie». Et qu'il a même vu une petite larme au coin de l'oeil de sa maman.

«Si c'est comme ça, moi, je ne veux plus aller à l'école!» m'a dit fiston avant même que l'on ait terminé de lire l'histoire. Heureusement, le temps a arrangé les choses, dans le livre comme dans la vie.

Dans la cour d'école, il y avait foule. Des cris, des rires, des yeux curieux, des yeux inquiets. On avait beau avoir répété, on avait le trac. Lorsqu'on a croisé pour la première fois des grands de sixième année, j'ai senti la petite main de mon petit homme avec son écriteau autour du cou serrer un peu plus fort la mienne. La réalité nous rattrapait: non, la vie n'est pas une grande garderie... Ceux qu'on appelait au CPE «les grands» sont ici les petits. Leçon numéro un.

En refermant la porte de l'école derrière moi, un refrain mélo de Coldplay me trottait dans la tête. «The hardest part was letting go, not taking part...» Oui, c'est bien la plus dure des leçons.

«Tu sais maman, je sais des choses que tu ne sais pas», m'a dit fiston après sa première vraie journée d'école. Oui, je sais...

Et puis, la rentrée? demande-t-on, une appréhension dans la voix. En fait, ce qui remue vraiment, ce n'est pas la rentrée à proprement dire, prévisible et programmée. Ce qui remue, ce sont ces «premières fois» qui nous rappellent, même si c'est l'évidence, que le temps passe et ne revient pas. Hier encore, on avait un bébé dans les bras. Aujourd'hui, il faut le laisser aller dans la cour des grands. Tenir encore la main, oui. Mais surtout savoir la lâcher quand il le faut.