Deux ballons qui volent vers un ciel gris qui n'offre pas de réponse. C'est ainsi que se sont terminées les funérailles d'Olivier Turcotte, 5 ans, et de sa petite soeur Anne-Sophie, 3 ans, tués dans le drame familial de Piedmont.

L'abbé Gravel disait qu'il ne fallait pas que ces funérailles soient trop tristes. Il disait qu'il fallait, comme l'avait demandé la mère, qu'elles soient à l'image d'Olivier et d'Anne-Sophie, de beaux enfants pleins de vie, qui aimaient rire et chanter. Mais comment des funérailles d'enfants assassinés peuvent-elles être autre chose que trop tristes?

 

Il avait 5 ans. Elle en avait 3. Comme tous les enfants, ils ne demandaient qu'à vivre. Comme tous les enfants, ils aimaient rire et jouer. Leur vie s'est terminée brutalement un jour noir de février. Et leur mère disait hier que par amour pour eux, elle devait les laisser partir, elle devait réapprendre à vivre pour eux, mais sans eux - la plus douloureuse épreuve qui soit.

C'est une tragédie, une vraie, d'une infinie tristesse. Deux enfants poignardés à mort, victimes d'un conflit qui n'était pas le leur. Un père que l'on disait exemplaire, dans ce double rôle intenable de présumé meurtrier. Une mère endeuillée qui, dans un avis de décès crève-coeur, demande de ne pas envoyer de fleurs, car ses enfants méritent mieux. «Offrez-vous du temps avec vos proches, soutenez une cause dans notre monde, offrez un café à un itinérant...» Une mère qui demande encore à ses enfants qu'elle ne peut plus serrer dans ses bras de prendre soin l'un de l'autre. «À bientôt mon ti-loup, à bientôt ma cocotte.»

C'est une tragédie, une vraie, qui nous laisse sans mots justes. Car que dire devant cette mère qui parlait hier de sa grande souffrance de ne plus l'être en rappelant les moments tendres qu'elle a vécus avec ses petits? Que dire devant un père qui vit une telle noirceur? Que dire devant tous ces proches consternés?

Dans l'épreuve du deuil, devant l'inexplicable, ces enfants sont devenus nos enfants. Des centaines de personnes qui ne les connaissaient même pas se sont senties si interpellées par la tragédie qu'elles ont voulu exprimer leur sympathie. Pourquoi un tel drame? Il n'y a évidemment pas de justification possible devant l'injustifiable. «Si ça peut aider les parents à aimer encore plus leurs enfants, je pense que la mort d'Anne-Sophie et d'Olivier n'aura pas été inutile», disait hier l'abbé Gravel, en guise de tentative de consolation.

Si ça peut aider...

Le message de l'abbé Gravel en était un d'amour, de pardon et de foi en la vie. «La vie est forte», disait-il. Il a parlé de la force de caractère de la mère endeuillée, dont le travail d'urgentologue l'a amenée à connaître la souffrance humaine. Il a parlé des «ténèbres» de ce père qu'il aimerait rencontrer, pour tenter de le réconforter, sans le juger. Il a parlé de ces enfants enjoués, qui ne joueront plus jamais. Et des autres. De tous ces enfants qui ne doivent jamais servir à régler des conflits d'adultes.

Pourquoi Olivier et Anne-Sophie ont-ils été tués? Comment peut-on en arriver là? Comment un père, cardiologue de profession, peut-il en arriver à un tel état de détresse et de rage? Est-ce vrai qu'il est plus difficile pour des médecins qui passent leur vie au chevet des autres de demander eux-mêmes de l'aide? Comment survit-on à un tel drame? Quelle leçon peut-on en tirer?

Hier, plantée devant ce complexe funéraire de Pointe-aux-Trembles, je n'avais que des questions sans réponse. Hier, il n'y avait que deux ballons esseulés volant vers ce ciel gris et muet.

Pour joindre notre chroniqueuse: rima.elkouri@lapresse.ca