On dit souvent qu'on a les politiciens qu'on mérite. Vraiment? En découvrant la cargaison de bonnes idées envoyées par les lecteurs à la suite de ma chronique sur le Montréal post-Grand Prix, je me suis dit que le contraire est tout aussi vrai. Bien des politiciens ont des électeurs qu'ils ne méritent pas.

Pour faire naître un projet des cendres du Grand Prix, ce n'est ni le talent ni l'inspiration qui manquent à Montréal. Mais pour la bonne volonté et la vision, sans lesquelles les plus beaux projets ne restent que de beaux projets, il faudra repasser.

 

Montréal a des tiroirs pleins de bonnes idées qui n'attendent qu'à être cueillies afin d'attirer des touristes en ville. Celles que j'ai reçues sont à mille lieues de l'insipide logo «M» multicolore à 400 000$ que la Communauté métropolitaine de Montréal vient de se payer pour soi-disant faire rayonner la ville.

Des exemples? Pourquoi ne pas allier haute cuisine et arts du cirque -deux spécialités montréalaises? C'est l'idée de Julie Bazinet, 26 ans, passionnée de Montréal. Elle souligne le fait que Ferran Adrià, chef du très célèbre restaurant El Bulli de Girone (près de Barcelone), est un grand fan du Cirque du Soleil. Les stars d'Hollywood et les amateurs de gastronomie bien nantis réservent des mois à l'avance pour pouvoir manger dans son temple de la cuisine moléculaire, rappelle-t-elle. Le lien entre ceci et cela? Il se trouve que M. Adrià a déjà dit en entrevue à Radio-Canada qu'il rêve de travailler en collaboration avec le Cirque du Soleil. D'où cette idée: pourquoi ne pas convaincre le Cirque et le chef Adrià de lancer un projet commun ici même à Montréal?

Autres projets proposés par cette même lectrice? Créer une ligne de train haute vitesse entre Montréal et Boston -on attire ainsi tout un bassin de touristes urbains prêts à faire un saut à Montréal, d'autant plus que l'idée d'un TGV entre Boston et Washington fait aussi son chemin aux États-Unis. On pourrait aussi concrétiser le projet de musée d'art moderne dans le silo no5. Ou encore bâtir l'équivalent nord-américain du musée du quai Branly, qui pourrait être nommé Musée de l'Humanité. Le slogan du musée du quai Branly à Paris est «Là où dialoguent les cultures», rappelle-t-elle. «Il me semble qu'un tel projet serait réellement à l'image de Montréal, métropole culturelle.»

Un mot encore sur le modèle Bilbao, cette ville redéfinie en 1997 par son musée Guggenheim signé Frank Gehry et dont Montréal pourrait s'inspirer. Un lecteur architecte nous rappelle avec raison que si l'effet Bilbao est un des premiers exemples contemporains d'une architecture qui fait «événement», il ne se résume évidemment pas à son seul musée. À Bilbao, le projet de revitalisation culturelle allait de pair avec une volonté politique qui en a fait un succès, tant sur le plan provincial que national. On a notamment amélioré l'accessibilité de la ville, mettant en place un raccordement plus efficace aux réseaux autoroutiers et ferroviaires. La ville de Bilbao a aussi fait d'énormes efforts de restructuration urbaine sur l'ensemble de son territoire.

Autre facteur dont il faut tenir compte, note notre lecteur architecte: on commence à noter un essoufflement du «filon» Bilbao. Il cite l'exemple malheureux de Herford, petite ville allemande qui s'est offert son musée Gehry. «A-t-elle pour autant accédé à la mappemonde des villes culturelles in? Connaissez-vous Herford? Pas si sûr.» Pas si sûre, moi non plus.

Bref, on l'aura compris, le tape-à-l'oeil ou l'architecture qui fait dire «wow!» ne suffisent pas. Pour que ça marche, il faut aussi qu'un réel projet social, culturel, urbain et architectural chapeaute le tout.

Sur les cendres du Grand Prix de Montréal, rien ne nous permet de croire qu'une telle volonté politique soit dans l'air. Mais on peut toujours rêver. Et se rabattre sur une idée qui ne coûte rien, gracieusement offerte par un autre lecteur: «Laissez faire les millions en consultants et en voyages de reconnaissance toutes dépenses payées et formez des comités de citoyens bénévoles! Vous allez voir le flot de bonnes idées gratuites!»

Pour joindre notre chroniqueuse: rima.elkouri@lapresse.ca