Ainsi donc, les immigrants devront signer une déclaration sur les valeurs communes de la société québécoise s'ils veulent être admis au Québec. La proposition qui n'a pourtant rien de neuf a été annoncée en grande pompe hier par la ministre de l'Immigration, Yolande James, comme s'il s'agissait de l'idée du siècle.

Une réponse tardive au rapport de la commission Bouchard-Taylor? Ça ressemble davantage à un énoncé préélectoral racoleur qui permet au Parti libéral de se placer sur le grand échiquier du «Nous» et des «valeurs québécoises» avant de repartir en guerre. Comme quoi Mario Dumont et Pauline Marois n'ont pas le monopole de l'exploitation de la question identitaire.

 

Les libéraux auront beau se draper dans la vertu et les beaux discours sur la diversité comme «valeur ajoutée», c'est bien de ça qu'il est question ici: exploiter la question identitaire à des fins électoralistes. Mettre à sa façon «des bûches dans le poêle», y rajouter un peu de sirop d'érable, en prenant bien soin de cacher les patates chaudes. Ouste! la recommandation «prioritaire» de la commission Bouchard-Taylor sur la pertinence d'un livre blanc de la laïcité, par exemple. Ouste! les objectifs précis pour réduire les taux de chômage scandaleux au sein de certaines communautés. On a d'abord visé le consensuel. On a présenté une liste de voeux pieux qui rallient le plus grand nombre. Tout le monde est pour la diversité, tout le monde est contre le racisme, tout le monde s'entend sur le fait que l'immigrant doit s'adapter à la société d'accueil. Mais encore?

Fait remarquable, la ministre James, habile patineuse, a réussi à esquiver à peu près toutes les questions épineuses des journalistes qui auraient aimé en savoir un peu plus sur sa stratégie. Elle commençait souvent ses réponses par: «D'abord, je vous dirais...». Pour dire quoi ensuite? Pas grand-chose, malheureusement. Impossible de connaître par exemple les objectifs précis que se fixe Québec en matière d'intégration à l'emploi des minorités. Impossible d'avoir son avis sur la délicate question du voile dans les institutions publiques.

De toutes les propositions faites par les libéraux pour mieux intégrer les immigrants, celle qui consiste à exiger d'eux qu'ils signent une déclaration s'engageant à respecter les valeurs communes est la plus inutile qui soit. Bien sûr que le nouvel arrivant doit savoir dans quelle société il atterrit. Bien sûr qu'il doit savoir que cette société en est une francophone, démocratique et pluraliste. Bien sûr qu'il doit savoir que les hommes et les femmes y ont les mêmes droits et que les pouvoirs politiques et religieux y sont séparés.

Mais le fait de signer une déclaration énonçant tout cela ne changera rien du tout à son intégration. Donnez-lui un travail à la hauteur de ses qualifications, il s'intégrera mille fois mieux que s'il signe trois mille déclarations bidon qui ne l'engagent à rien.

Une proposition inutile, donc. Pourtant, c'est celle-là que la ministre de l'Immigration a mise de l'avant hier. Une contradiction? D'un point de vue logique, oui. D'un point de vue stratégique, probablement pas. Car pourquoi s'aventurer en terrain glissant en suivant les recommandations sérieuses de Bouchard et Taylor quand on peut tout simplement donner à la majorité ce qu'elle veut entendre? On lui promet de veiller sur son Nous inquiet en exigeant une signature de l'immigrant à la source de cette inquiétude et le tour est joué.

On aura compris que cette déclaration répond avant tout au besoin légitime exprimé par beaucoup de citoyens durant la commission Bouchard-Taylor de mieux définir les valeurs de la société québécoise. Tout symbolique qu'il soit, l'exercice ne serait pas inutile s'il était fait sérieusement, en évitant d'opposer une fois de plus le «Nous» et le «Eux». Si on veut vraiment parler de contrat social valable, pourquoi ne pas inviter tous les Québécois à le signer et pas juste les nouveaux arrivants? Mais bon, comme les bûches sont déjà dans le poêle...

Pour joindre notre chroniqueuse: rima.elkouri@lapresse.ca

 

L'exemple français

L'exemple français

Le «contrat d'intégration en France» (en vigueur depuis janvier 2007)

1. La France est un pays démocratique.

2. Chaque citoyen dispose de droits et de devoirs «sans distinction d'origine, de race et de religion.»

3. La femme est l'égale de l'homme.

4. La polygamie et les mariages forcés sont strictement interdits.

5. Une formation civique d'un après-midi est obligatoire.

6. Exigence est faite d'obtenir une maîtrise minimale du français.