Une vue en kaléidoscope de la vie à Montréal. C'est ce que vous propose la série «Une journée à... «. Cette semaine, notre chroniqueuse Rima Elkouri nous raconte sa journée dans la ville souterraine.

C'était une belle journée. Le fond de l'air était un peu frais, juste assez pour nous rappeler que l'automne est à nos trousses, chassant l'été qui nous a pleuré sur l'épaule des semaines durant.

Qui sont ces touristes qui s'engouffrent dans le Montréal souterrain par une si belle journée? D'où viennent-ils? Que cherchent-ils? La fascination qu'exerce ce sous-sol utilitaire dans l'esprit des touristes m'a toujours intriguée.

J'ai commencé ma visite boulevard De Maisonneuve en suivant une de ces affiches «RÉSO», qui indiquent au piéton la voie royale vers cette ville intérieure dont on dit qu'elle est la plus grande au monde. À la station de métro McGill, près de l'entrée du Centre Eaton, une immense affiche nous avise que nous sommes ici «au centre du Montréal souterrain». La carte nous montre plus de 30 km de couloirs tracés en rouge.

Il était presque 10h. La ville souterraine se réveillait tranquillement. Il y avait encore peu de gens dans les couloirs. Et la première personne que j'ai rencontrée n'était pas un touriste, mais un mendiant. «Pouvez-vous m'aider pour manger, madame?» a demandé, le regard fuyant, un gars traînant un grand sac de sport. Les mendiants sont les portiers de la ville souterraine. Et comme les portes sont nombreuses...

J'ai pris le souterrain qui mène à la Place Ville-Marie, là où se trouve le nombril de la ville intérieure, qui a vu le jour, ou enfin la nuit, ici en 1962. J'y ai croisé une première famille d'Européens. C'est le papa, carte du Montréal souterrain à la main, qui guidait. La scène m'a paru d'autant plus exotique qu'il n'y avait absolument rien à voir. J'ai interrompu la visite pour poser quelques questions à ces explorateurs de sous-sol. Ils venaient du Luxembourg. Ils comptent faire le tour du Québec en 13 jours. C'était leur première matinée à Montréal. Décalage horaire oblige, ils s'étaient levés à 5h. Et quel a été le premier endroit qu'ils ont voulu visiter, eux qui n'ont jamais mis les pieds à Montréal et qui ne sont ici que pour deux jours? Eh oui! la ville souterraine.

Mais pourquoi? ai-je demandé, perplexe. «C'est recommandé dans mon guide», a dit la maman luxembourgeoise, en sortant de son sac à dos un livre Évasion Hachette pour l'ouvrir à la page vantant les mérites de cette «ville sous la ville».

Et alors? Aiment-ils leur visite? «Oui! Ce qui nous étonne, c'est les espaces restos avec un Japonais à côté d'un Tiki-Ming, à côté d'un autre. On n'a pas ça, chez nous», a lancé le papa luxembourgeois. Toute la famille me regardait avec les yeux brillants, comme si elle n'en revenait pas de parler à une indigène de cette mystérieuse ville sous la ville où, selon la légende, les Montréalais vivent reclus l'hiver en mangeant du Tiki-Ming sans jamais voir la lumière du jour. La maman s'est d'ailleurs empressée de me demander où on pouvait acheter des vêtements d'hiver. Je leur ai donné quelques adresses en leur rappelant que c'était encore l'été dans le Montréal «sur terre».

J'ai continué à arpenter ce sous-sol transformé en mythe, longeant des couloirs déserts, d'autres plus animés, passant de galeries marchandes en galeries marchandes, d'escaliers mécaniques en couloirs douteux, de McDo en Tim Hortons, de tabagies en magasins divers, jusqu'à la gare Bonaventure. Puis, en marchant vers la station Square-Victoria, dans le circuit culturel piétonnier du Quartier international, je suis tombée sur un couloir désert qui m'a semblé plus intéressant et plus lumineux que les autres. On y trouve entre autres choses une vitrine dite «extra-muros» du Centre canadien d'architecture. Il y a là une sélection de photos de Montréal d'Olivo Barbieri, un artiste