«C'est un cauchemar», a dû se dire Claude Julien en rentrant chez lui après la défaite des Bruins de Boston.

«C'est un voyage dans le temps», ont dû se dire les joueurs du Canadien. Tout le monde se trompe, c'est le printemps 2010 qu'on vit, pas le printemps 2011.

Ça recommence. Blanchissage du gardien de but, les défenseurs qui se regroupent devant dans l'enclave et qui coupent les lignes de tirs au risque de se blesser, les marqueurs les plus doués qui sentent leurs mains s'alourdir au fur et à mesure que le match progresse... et Brian Gionta qui score les deux buts. Comme il avait scoré l'an dernier contre les Capitals de Washington et les Penguins de Pittsburgh.

Les Bruins sont pris dans une boucle temporelle dans laquelle seul le nom de Jaroslav Halak a été changé pour celui de Carey Price. Tout le reste est presque pareil.

Presque. Puisque Carey Price n'a eu qu'à être solide pour gagner le match. Le Canadien a été nettement meilleur qu'il ne l'avait été le printemps dernier contre les Capitals. Les Glorieux ont provoqué moins de revirements, ils n'ont pas concédé 45 ou 50 lancers à bout portant, ils ont été fiables en défense et ils ont forcé les Bruins à douter et à hésiter. Et ça ne pardonne pas.

Donc vos CHouCHous ont l'avantage de la patinoire pour le reste de la série. Et c'est important puisqu'ils se retrouvent dans une situation où ils peuvent gagner en six matchs en ne disputant que deux autres parties à Boston.

Surtout, pour une raison qu'il est difficile d'expliquer si on n'est pas dans le vestiaire de l'équipe, les joueurs de Jacques Martin sont capables de hausser leur jeu de plusieurs crans quand les séries commencent.

Jouer à l'intérieur d'un système, c'est bien beau. Mais pour que ça fonctionne, il faut que tous les joueurs - sans exception - soient prêts à souffrir des coups, à risquer des blessures et à sacrifier leur gloire personnelle pour le bien du groupe. Et honnêtement, hier soir, les Glorieux ont montré plus de coeur et d'abnégation que les Bruins. Quand Claude Julien va regarder le DVD du match ce matin, il ne se contentera pas de seulement regarder les X et les Y sur l'écran. Il va certainement essayer de percevoir la fougue et la détermination de ses adversaires. Pour que ses propres joueurs puissent s'en inspirer et faire aussi bien.

J'écrivais hier que le Canadien avait absolument besoin d'une bonne performance de Scott Gomez. Il l'a eue. Gomez, deux fois, est celui qui a repéré le capitaine Gionta et lui a mis la rondelle sur la palette. Que Gomez ait paru nonchalant à quelques reprises, on peut vivre avec ça, c'est son style. Sauf qu'hier, quand ça comptait, il était au coeur de l'action. Même chose pour Mathieu Darche, qui a joué intelligemment avec la rondelle toute la soirée.

Et puis, vous avez vu le clin d'oeil de Carey Price. Et le sourire dans ses yeux. Vous imaginez-vous à quel point le jeune homme a une toute nouvelle attitude avec ses coéquipiers? À quel point il a mûri?

Pour un clin d'oeil semblable de son gardien, n'importe quel défenseur qui a du coeur va être prêt à recevoir une rondelle sur la gueule. C'est comme ça que commence une grande randonnée du printemps...

Par le coeur et par l'esprit.