Ray Lalonde était l'homme derrière les plus grands succès du Canadien. Pierre Boivin et F.X. Seigneur peinaient à remplir le Centre Bell quand ils sont allés chercher ce grand passionné du sport et du marketing pour lui confier «la vente» du Canadien.

Dix ans plus tard, le Canadien est devenu la plus grosse machine à piastres du sport professionnel compte tenu de son marché. La stratégie de marque du CH, c'est lui. Les petits garçons avec le drapeau avant les matchs, c'est lui. Les extraordinaires cérémonies du centenaire, c'est lui. La symbiose entre la marque et le passé, c'est lui. Le long métrage, qu'il ait été une réussite ou non, c'est lui. Les 300 millions de profits de George Gillett, c'est beaucoup lui.

Évidemment, en devant quitter le Canadien, Pierre Boivin a appliqué la politique de la terre brûlée. C'est humain et Ray Lalonde le comprend.

Hier, le nouveau président des Alouettes de Montréal était radieux. De belle humeur, excité par un monumental défi, enfin président après tant d'années à des vice-présidences, il ne lui manque qu'une petite semaine de golf en Arizona pour recharger complètement ses batteries avant de s'attaquer à la remise en ordre des Alouettes.

Depuis qu'il a été nommé président des Alouettes, Ray Lalonde a reçu de nombreux téléphones d'encouragements. Surtout des anciens du Canadien. Serge Savard, Yvan Cournoyer, Ken Dryden, Dickie Moore. Et plusieurs joueurs de l'édition actuelle de l'équipe. Des gens qui savaient toute la dévotion que Ray Lalonde a pu mettre dans son travail avec le Canadien: «C'est ma plus grande fierté. Que les Anciens aient pris la peine de m'appeler. Ils ont compris ce que j'ai tenté de faire avec mon équipe, avec le Canadien. Les réunir et faire rayonner leur gloire. C'était notre approche de marketing. Faire le pont entre la riche histoire du Canadien et la génération de l'avenir. Dans le fond, nos meilleurs vendeurs, c'était les parents de tous ces jeunes. Ce sont les parents qui vendent l'espoir. Parce qu'ils ont connu les grands triomphes de l'équipe. Ils ont gagné des Coupes Stanley et ils en parlent à leurs jeunes. Les parents sont des ambassadeurs de notre marketing», me racontait-il hier en entrevue.

Avec toujours cette flamme dans les yeux...

«Phil Knight et Bill Bowerman se sont inspirés d'une vulgaire gaufrette pour créer la semelle Nike. Ils ont eu l'idée et ils en ont fait une des plus grandes compagnies mondiales. Mais le départ, c'est toujours une idée. Puis, ça revient au talent. Il faut avoir une vision et il faut être un bâtisseur. Je suis un homme d'idées. J'ai des idées. J'ai mené à bout une cinquantaine d'idées avec le Canadien. Mais une idée qu'on ne mène pas à bout, c'est rien. D'ailleurs, 90% des idées restent sur la table. Il faut avoir la poigne et la détermination pour en faire des réalisations», dit-il avec simplicité. Comme si ça allait de soi dans son cas.

Faut dire qu'il dirigeait une équipe de 50 personnes avec le Canadien. Et qu'il le faisait avec une poigne de fer: «C'est vrai que j'étais exigeant mais en même temps, mes employés vont vous le dire, leur travail était récompensé. On partait en voyage, je les ai amenés à Pebble Beach jouer au golf. Vous savez c'est quoi, jouer au golf à Pebble Beach? C'est un exemple. Mais c'est évident qu'il y avait de la pression et du stress. En marketing, les objectifs évoluent et il fallait que notre équipe évolue aussi. Chaque année, il y avait des changements pour améliorer encore notre rendement», dit-il.

Ray Lalonde est né au Manitoba et a vécu en Saskatchewan jusqu'à l'âge de 4 ans. Son père, Gérald Lalonde, 82 ans, était comptable. Et sa mère, Mary Ann, une anglophone, a élevé quatre enfants. La famille est déménagée à Trois-Rivières «parce que mon père croyait qu'on y trouverait le meilleur des deux mondes. On aurait les deux langues et les deux cultures», raconte Ray Lalonde. «Mes rêves d'enfant étaient tous liés au sport. À 5 ans, je jouais au hockey. À 9 ans, c'était le football. Je jouais dehors de 8h le matin jusqu'à 9h du soir. Toute ma vie, c'était le sport. J'étais très indépendant et très discipliné. Je voulais être un athlète professionnel. En attendant, je travaillais déjà. J'étais camelot pour l'Hebdo du Cap et je passais des circulaires à une cenne la copie. J'en distribuais 524, et la semaine d'après, je recevais une enveloppe avec cinq piastres... et 24 cents.

«À 12 ans, j'ai eu mon premier job de marketing. Je suis devenu camelot pour le Jour, le journal du PQ. J'ai visité toutes les maisons pour essayer de leur vendre un abonnement au Jour. Puis, j'ai eu un job le matin pour faire les déjeuners dans un McDonald's. J'ai fini par flipper des hamburgers. À 16 ans, j'étais assistant. Je te jure que t'apprends à gérer le service à la clientèle dans un McDo», dit-il en souriant.

Il va faire ses études universitaires à McGill et va jouer quatre saisons avec les Redmen comme receveur de passes.

Puis, il sera enseignant. Diplômé en éducation physique, il sera suppléant autant dans les écoles protestantes que catholiques, dans l'Est comme dans l'Ouest de la ville. Il prenait le métier à coeur. Mais c'était trop loin de ses rêves: «J'étais avant-gardiste. J'ai envoyé 150 lettres d'application dans des universités américaines. Je voulais être coach de football et y étudier», dit-il. Je saute des étapes pourtant passionnantes pour vous dire qu'il s'est retrouvé à Penn State, l'Université entre les universités, coach bénévole avec Joe Paterno. Il va le faire pendant un an et, miracle, on lui offre un poste d'assistant... rémunéré.

Ça va vite. La NFL lance la Ligue mondiale et Montréal hérite de la Machine. Lalonde y est directeur du marketing. Quand la NFL tire la plogue, Vince Casey, VP de la Ligue mondiale, donne son nom à la NBA qui se cherche un directeur du marketing pour développer le marché de l'Europe. Dans la même journée, il reçoit un appel du commissaire David Stern et reçoit une offre ferme qu'il accepte sur-le-champ. Il vit quatre mois à New York. Célibataire, c'est le bonheur total: «Chaque soir, je pouvais assister à un match. Les Rangers, les Islanders, les Knicks, les Nets, je tripais à fond. Mais David Stern m'a dit que l'Europe m'attendait. Je ne voulais pas trop mais je n'avais pas le choix.»

On est en 1993. Un an après les Jeux de Barcelone et le «Dream Team». La NBA explose dans toute l'Europe. En 1997, il organise une tournée des Bulls de Chicago, les vrais, avec Michael Jordan, Dennis Rodman, Scottie Pippen et le grand coach Phil Jackson. C'est à Genève, où il vit, que naît son premier fils. Sa femme Angelika, une Philippine, l'a suivi après l'avoir connu pendant ses quatre mois à New York. Preuve qu'il n'y avait pas que le sport dans la Grosse Pomme.

Jusqu'à ce que le Canadien lui fasse signe...

Il a aimé et il aime profondément le Canadien. Il a travaillé avec un acharnement invraisemblable. Il a visité 29 stades de la Ligue nationale, tous les arénas de la NBA et la moitié des stades de la NFL. Il a écouté leurs sélections musicales, il a étudié et appris. Et il a exigé d'avoir encore mieux au Centre Bell. Pour que le spectacle soit global. Il sourit quand on lui parle de ses tounes à lui de U2 qu'on a entendues à chaque match: «Ce sont des chansons qu'on entend dans tous les stades parce qu'elles font lever la foule. Mais avec le Canadien, nous avons toujours été conscients qu'on devait également faire jouer des chansons en français. Parce qu'elles sont bonnes et parce qu'on a aussi une responsabilité. Mais si je choisissais personnellement les chansons pour les grands événements, souvent après avoir consulté la personnalité fêtée, le DJ du Centre Bell avait carte blanche. Et je compte apporter le même soin à la musique aux matchs des Alouettes», de dire Lalonde.

Je le dis en passant, Tomas Plekanec est le joueur le plus gentilhomme et le plus collaborateur qu'il a connu chez le Canadien. D'autres, comme Koivu et Kovalev, étaient moins faciles à impliquer dans ses promotions: «Bob Gainey puis Jacques Martin m'ont permis d'expliquer aux joueurs pourquoi c'était si important pour eux de collaborer avec nos promotions. Ils devaient réaliser qu'ils étaient un autre chapitre d'une grande histoire. Ça marchait fort bien», dit-il.

Voilà. Dans neuf jours, Ray Lalonde s'installera dans son nouveau bureau des Alouettes. Mais il n'a pu s'empêcher de se mettre au travail dès cette semaine. Il a déjà une idée de la tâche monumentale qui l'attend. Le mot monumental est de moi. Lui parle de défi intéressant.

Mais tous ceux qui marchent à la queue leu leu chez les Z'oiseaux depuis des années devraient être prévenus. Les journées tranquilles sont terminées.

«24/7 Ray» is coming...