Le maire Régis Labeaume, un homme de décisions, n'a plus que quelques jours pour prendre « la « décision de sa carrière politique. D'un côté, s'il ne se trompe pas, ça pourrait être son Austerlitz. La plus grande victoire de Napoléon. S'il prend la mauvaise décision, ça pourrait être le début de son Waterloo.

Régis Lebeaume est le maître du jeu dans le dossier du nouvel amphithéâtre qu'il rêve de donner à ses concitoyens de la capitale. C'est lui qui mène toutes les négociations tant avec les hommes d'affaires impliqués qu'avec les politiciens.

Mais il est maintenant à la croisée des chemins. M. Labaume tente désespérément de faire monter encore plus les enchères pour la vente des droits de marketing et de gestion du futur Colisée pour arriver à se passer de l'investissement du gouvernement fédéral. Mais s'il arrivait à vendre à la pièce tout ce qu'on peut tirer d'un édifice comme le Colisée pour quelques millions de plus dans le béton, il pourrait perdre ce que les gens veulent vraiment avoir dans cet édifice, une équipe de la Ligue nationale.

Oubliez Desjardins, la Sun Life, oubliez les compagnies américaines d'organisation de spectacles, oubliez Bell, Telus ou Rogers, oubliez evenko, la compagnie de spectacles de Geoff Molson, ce sont des partenaires potentiels dont le plus grand profit serait d'empêcher l'entrée en scène des Nordiques de Québec dans la LNH. Donc, le retour de la compétition. Bell pourrait payer une fortune pour acheter le nom du futur Colisée. Elle y gagnerait de protéger son monopole à Montréal, soit le Canadien et RDS.

On comprendra que Quebecor ne pourrait payer 200 millions pour une équipe de hockey qui évoluerait dans le Colisée Telus ou Bell.

Avec toutes les informations recueillies au cours des dernières semaines, j'estime que Quebecor est la seule entreprise qui peut se permettre d'investir jusqu'à 100 millions de dollars dans le projet d'un nouveau Colisée tout en y trouvant son compte. Parce que Quebecor a les réseaux de télévision et tout le soutien multimédia pour justifier pareil risque.

L'offre de Quebecor, déposée auprès de Régis Labeaume et de son entourage politique le 23 septembre dernier, se situe entre 50 et 65 millions. En investissements de départ. Cet argent servirait à acheter le droit d'accoler son nom au Colisée et le droit de gestion de l'édifice, que ce soit pour le hockey ou pour les spectacles.

De plus, Quebecor garantit à la Ville une redevance d'environ 2 millions par année pendant plus de 20 ans, que l'opération soit rentable ou pas. Un engagement total de 100 millions... sans même être certain que la Ligue nationale va finir par autoriser le déménagement d'une concession à Québec.

Mais les patrons de la compagnie ont fait leurs devoirs auprès des dirigeants de la LNH. Ils espéraient même pouvoir acheter les Coyotes de Phoenix avant que la ville de Glendale n'injecte 100 millions pour garder l'équipe en Arizona. Depuis, ils poursuivent leur travail en misant sur des villes comme Atlanta et peut-être Long Island. Tout en étant conscient qu'il y aura de la compétition de la ville de Winnipeg, qui a déjà son aréna.

Même s'il fallait jouer deux ou trois saisons dans le vieux Colisée en perdant une vingtaine de millions par année, on estime que la fenêtre pour acquérir une équipe de la LNH ne sera ouverte qu'au plus deux ans et qu'il faut agir maintenant. Dès que l'économie américaine va recommencer à rouler, il y aura toujours un milliardaire qui va avoir le goût de se payer un jouet.

On comprendra qu'il est impossible d'espérer rentabiliser un investissement global de 100 millions si on ne peut gérer l'édifice. Québec demeurerait le plus petit marché de la LNH et le plan d'affaires d'un propriétaire dans semblable situation ne peut réussir que si on développe au maximum la synergie entre une équipe de hockey, les spectacles, les conventions et tout l'éventail télévisuel et multimédia de Quebecor.

Les relations entre Pierre Karl Péladeau et le maire Labeaume sont encore bonnes, mais selon un informateur bien au fait du dossier, on s'impatiente devant l'entêtement du maire Labeaume à bouder le premier ministre Stephen Harper. Plusieurs dans l'entourage du bureau du premier ministre estiment que le maire Labeaume pourrait faire progresser de beaucoup le dossier s'il acceptait de rencontrer M. Harper ou ses hommes de confiance avec un plan d'affaires comprenant les investissements garantis par le privé. En montrant à Harper que le privé s'engage à hauteur de 100 millions, dont une soixantaine dès le départ du projet, on croit qu'on répondrait à l'objection majeure à laquelle on se bute au bureau du premier ministre.

Il n'y a jamais rien de simple dans des négociations qui se déroulent sur plusieurs plans et avec plusieurs intervenants. Les dirigeants de Quebecor sont conscients qu'ils sont pratiquement les seuls à pouvoir rentabiliser un nouveau Colisée par les produits issus du hockey et du spectacle. Par contre, Régis Labeaume, même si l'offre de Quebecor est très alléchante, doit s'assurer qu'il peut tirer « globalement « le meilleur de ce qu'il a à vendre.

Le hic, c'est qu'il vend un projet et pas encore une réalité. Et que ceux qui vont l'accompagner dans cette aventure vont risquer autant que lui.

Encore quelques jours, peut-être une semaine, et Régis Labeaume devra jouer ses cartes. Il doit choisir entre un partenariat global ou une vente à la pièce.

En gardant en tête que les gens de l'Est du Québec veulent un édifice multifonctionnel digne d'une capitale nationale. Mais qu'ils veulent aussi que les Nordiques le fassent vibrer sur ses fondations.

Le maire doit tirer une flèche et atteindre deux cibles.