Mettons les choses au clair. Au cinquième round, l'arbitre a mis quatorze secondes pour compter jusqu'à neuf. Après, Sam Williams, de Detroit, a donné du temps à Jesse Brinkley pour qu'il tente de reprendre son souffle et puisse ainsi continuer le combat. Comme si des parieurs de Las Vegas avaient gagé sur un knock-out au neuvième round. Avec un arbitre compétent, Lucian Bute aurait gagné le combat sur ce coup au foie et Jesse Brinkley aurait peut-être évité un voyage à l'hôpital pour tenter de lui réparer un nez cassé et des yeux coupés profondément.

Au huitième round, le même Sam Williams a mis douze secondes pour se rendre à neuf, permettant ainsi à Brinkley de se relever. Puis, il a fait monter le docteur Meunier dans le ring pour vérifier si Brinkley était en état de continuer à se faire massacrer. Question de lui donner quelques secondes supplémentaires pour récupérer.

C'est finalement au neuvième que le courageux Américain a lui-même fait signe qu'il ne pouvait en endurer davantage. Il a eu besoin d'au moins une minute pour se remettre sur ses pieds. C'était cruel et inutile et ce Sam Williams ne devrait plus arbitrer un combat de championnat à Montréal. Cet homme est dangereux.

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Ça aura pris 30 ans, mais on a eu droit vendredi soir à une démonstration des bienfaits de la commission Bernier sur le monde de la boxe. Et les retombées positives de la Régie de la sécurité dans les sports, un organisme controversé et critiqué dans son temps, ont été évidentes lors du combat entre Lucian Bute et le challenger.

Les arbitres formés au Québec, dans la lignée du vénérable Guy Jutras, ont toujours respecté la philosophie de la Régie. Favoriser avant tout la sécurité du boxeur.

Même si Lucian Bute a déjà profité d'un compte douteux d'un arbitre québécois contre Librado Andrade, règle générale, les arbitres canadiens et surtout québécois sont prompts à intervenir dans un combat si un des boxeurs risque de se faire blesser gravement pendant un échange à sens unique.

J'ai vu des dizaines de fois l'arbitre sauter rapidement dans l'action pour mettre fin à un combat parce qu'un des adversaires n'était plus capable de se défendre. Parfois, le clan adverse, surtout si ce sont des Américains, proteste avec véhémence. Mais on sait maintenant que c'est la philosophie imposée au Québec qui est la bonne. Tout le monde savait vendredi soir après le terrifiant coup au foie de Bute que le combat était terminé. Il s'agissait simplement de savoir comment le champion s'y prendrait pour régler le compte de Brinkley.

Et même Bute n'était pas à l'aise dans ce rôle de bourreau. Ce n'est pas sa définition de la boxe. Pour lui, la boxe est un sport où il s'agit de gagner un combat en remportant des rounds. S'il y a moyen de terminer un combat plus rapidement par un knock-out, alors tant mieux, mais Bute n'est pas dans le ring pour blesser son adversaire.

Vendredi soir, il était perturbé quand Williams a étiré le compte d'une façon qui frôlait la fraude. Bien plus, Stéphane Larouche était tellement persuadé que le combat était terminé qu'il est grimpé sur le tapis de l'arène. Il aurait pu provoquer la disqualification de son protégé en agissant ainsi. Mais Larouche, qui est un entraîneur dur et autoritaire et qui n'a rien d'une moumoune (au sens saguenéen!), on en conviendra, ne pouvait concevoir que Brinkley n'était pas hors de combat.

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Cela dit, Bute a encore démontré qu'il était sans doute le meilleur 168 livres du monde. Dès que les six autres très bons boxeurs en auront terminé avec le tournoi organisé par la télévision américaine, le grand Roumain pourra consacrer son titre en nettoyant la catégorie.

J'ai revu le combat sur YouTube pendant le week-end et j'ai trouvé curieux les commentaires des analystes d'ESPN 3 pendant le combat. Jean-Paul Chartrand père aurait pu leur donner une ou deux leçons. Ils ont passé la soirée à dire et à répéter que parfois Lucian Bute n'était pas très intéressé pendant un combat. Coudon, y venaient d'où, les deux «spécialistes»?

Samedi, j'ai joint Stéphane Larouche pour lui demander juste une petite précision. Pourquoi donc Bute s'était-il battu le bras droit baissé à la taille?

Larouche avait une réponse: «Ça ne lui donnait rien de tenir sa main droite élevée, Brinkley était de trop petite taille pour frapper de haut.» Alors, pourquoi gaspiller de l'énergie à tenir son bras en l'air? Du Larouche tout craché.

DANS LE CALEPIN - J'ai adoré la conférence de presse de Bernard Hopkins et de Jean Pascal. Le grand Jean a trouvé le moyen de faire rire tout le monde en sortant son certificat d'études collégiales. Pour montrer qu'il n'avait pas besoin d'un maître puisqu'il avait fait ses études. Hopkins, même s'il a 45 ans, est encore un grand boxeur. Mais la force, la rapidité et le poids des années vont faire la différence. Il va y avoir de l'action au Château Bonne Entente... mais le vrai clou de la soirée aura été la tenue de combat d'Anne-Marie Losique. Assis à ses côtés, le barbier Ménick a subi le compte jusqu'à huit...

Photo: Bernard Brault, La Presse

Jesse Brinkley a été envoyé au tapis par Lucian Bute vendredi soir au Centre Bell.