La toute première finale de la Coupe Stanley que j'ai couverte pour La Presse est celle qui opposait les Flyers de Philadelphie aux Sabres de Buffalo. C'était en 1975. Et j'avais été gâté puisque Bernard Parent avait été extraordinaire devant le filet des Flyers.

Tellement que la saison suivante, dans un bus entre Reno et Oakland, Scotty Bowman avait lâché une phrase qu'on pourrait appliquer aujourd'hui à la victoire du Canadien contre les Capitals de Washington: «Le fameux système de Fred Shero, avait dit Bowman, c'est Bernard Parent. Le reste, c'est de la boulechite».

Autrement dit, Freddy le Brouillard avait beau avoir inventé un système en seize points, c'est Bernard Parent qui faisait la différence. D'ailleurs, quand l'année suivante, le Canadien a gagné la Coupe Stanley en quatre matchs, Parent était blessé et le gardien s'appelait Wayne Stephenson.

On va s'entendre. C'est la première fois de ma carrière de journaliste -et de jeune amateur de hockey qui a suivi les exploits de Jacques Plante à la télé et de Gerry McNeil à la radio- qu'une équipe mange sept volées de bois vert et remporte pourtant une série éliminatoire. C'est simple, l'explication a un nom: Jaroslav Halak.

Ce qui n'enlève rien au mérite des joueurs et de l'équipe de direction. Mais Jacques Martin, Pierre Gauthier, Bob Gainey et les autres auraient subi les analyses et les remontrances négatives d'un peu tout le monde si Halak n'avait pas volé les trois derniers matchs. Point et paragraphe.

* * *

J'en ai vu des gardiens de but. J'ai vu José Théodore gagner le Hart et le Vézina la même saison. Il avait été extraordinaire du premier au dernier match. En 2004, il avait été un géant contre les Bruins et avait complété le travail en blanchissant les Bruins 2-0 sur leur patinoire. Mais il n'avait pas connu trois matchs de suite comme l'a fait le Slovaque. Halak a reçu 134 lancers et a donné trois buts. Je n'ose calculer la moyenne d'efficacité que ça donne, je ne voudrais pas faire sauter la puce de la calculatrice. Mais on frôle les ,980. C'est débile.

Mais Halak a permis autre chose. Pendant la saison, Hal Gill avait souvent l'air d'un skieur de fond. Et les trois derniers matchs de la saison régulière ont découragé les observateurs. Le Canadien a été inapte, mou et sans passion. Il a perdu les trois matchs. La victoire arrachée par Halak lors du premier match à Washington a servi d'étincelle. Il s'est passé quelque chose dans le vestiaire. Rien de transcendant puisque l'équipe s'est écrasée à Montréal et que Carey Price a été envoyé en relève pour le quatrième match.

Mais quand les joueurs ont compris que Jaroslav les tiendrait dans le match quoiqu'ils fassent, et surtout quoique fassent les féroces attaquants des Capitals, ils ont tous grandi d'un pouce ou deux, pour reprendre une vieille expression. Comme quoi un solide gardien qui fait des miracles fait grandir les joueurs davantage qu'un bagarreur.

Certains voudraient qu'on se garde une petite gêne et qu'on cesse de vanter les mérites de Halak. On insiste pour dire que les Patrick Roy, Martin Brodeur ou Ken Dryden ont fait leurs preuves pendant plusieurs saisons avant d'être consacrés. C'est faux. Ken Dryden n'avait que six matchs en saison régulière en 1971 quand il est devenu la coqueluche de tout le hockey pendant les séries. Même chose pour Patrick Roy en 1986. Une très grande performance est une très grande performance. Et c'est le cas pour Halak.

* * *

Le Canadien peut-il réussir l'impossible contre les Penguins de Pittsburgh? Bien sûr que oui. Il y a plusieurs conditions, mais tout repose sur le gardien de but. Si le gardien tricolore continue d'accumuler les vols de grands chemins, alors pourquoi le Canadien ne gagnerait-il pas?

La plus grande différence dans cette série, et c'est ce qui me fait choisir les Penguins, c'est justement le gardien Marc-André Fleury. Le jeune homme a déjà participé à une finale de la Coupe Stanley comme perdant, il a gagné la Coupe l'an dernier et contre les Sénateurs d'Ottawa, quand ce fut le temps de hausser son jeu d'un cran, il l'a fait. Et puis, Sergei Gonchar est autrement meilleur que Mike Green. En tous les cas, que le Mike Green que nous avons vu dans la série contre Washington.

Ça va être bon. Tellement bon qu'il se peut que le CH force les Penguins à disputer sept matchs. Mais il faut quand même se fier à une certaine logique. Quoique la logique soutient que si tu as battu le numéro un, tu vas battre le numéro deux... ou le trois.

Je ne sais plus.

Pittsburgh en sept.