Ainsi donc, Éric Lucas remonte dans le ring. J'étais à Copenhague quand Mikkel Kessler a mis fin à sa carrière. Ce soir-là, quand Stéphan Larouche lui a dit que c'était assez, j'ai très bien vu Lucas acquiescer d'un signe des yeux. C'était correct. Lucas aurait pu se faire blesser gravement s'il était resté debout devant cette terrible mitraille.

Vers deux heures du matin, j'étais dans le bar de l'hôtel quand Lucas est revenu de l'aréna. Il avait le visage gonflé, marqué, du steak trop battu. On savait que le lendemain, le bleu et le violet domineraient son visage. C'est ce qui est arrivé.

Plus tard, il annonçait sa retraite. Kessler avait mis fin à sa carrière.

Mais pas à sa vie.

Le retour de Lucas contre Ramon Pedro Moyano est une bonne nouvelle pour les amateurs de boxe. Ils seront plusieurs à soutenir qu'un vrai champion du monde ne devrait pas étirer une carrière inutilement, que Lucas peut gâcher le souvenir des fans et détruire une image qu'il a mis des années à construire. L'image d'un boxeur courageux et intelligent qui a toujours su mener sa carrière avec bon jugement.

Il y a des fans qui craignent le fameux «combat de trop». Ou pire, le «round de trop». Ou même le coup de poing fatal qui fait d'un athlète doué un homme diminué. Les exemples sont nombreux dans l'histoire de la boxe. Personne n'a oublié l'épouvantable combat de Muhammad Ali contre Larry Holmes. Le grand Ali était vidé de toute substance, ses réflexes surhumains n'étaient plus ceux d'un champion ni même ceux d'un bon boxeur. J'ai vécu la même tristesse avec des combats de Roberto Duran ou de Gaétan Hart. La boxe ne pardonne pas. On ne peut pas tricher comme on peut le faire au hockey ou au tennis.

Perdre un match de tennis 1-6-0-6, c'est pas grave. Juste un peu humiliant. Mais perdre par knock-out d'une série de coups de poing au visage, c'est une autre histoire.

Mais le cas Lucas est différent. Il a décidé de revenir en se donnant des balises qui le protégeront. Malgré les propos de Larouche qui a dit qu'il n'était pas le père d'Éric et que c'est Lucas qui prendrait les décisions, je sais très bien que Larouche interviendra à la seconde où il jugera que Lucas est en danger de se faire blesser. Ces deux-là ont une vie ensemble. Depuis leur adolescence qu'ils partagent victoires et défaites. En prenant de la maturité et de l'expérience, Larouche est devenu un des bons hommes de boxe au pays. Lucas peut se fier à lui.

D'ailleurs, l'histoire de la boxe est parsemée de ces bons hommes de coin qui ont su protéger leur boxeur. Aux Philippines, lors du troisième combat entre Joe Frazier et Ali, les deux hommes se sont rendus aux limites de l'enfer dans une chaleur suffocante. Depuis le 10e round, Ali frappait Frazier à volonté sans avoir la puissance de le descendre pour le compte. Après le 14e round, Eddie Futch a décidé de jeter l'éponge. Frazier était littéralement aveugle depuis le 12e round et Futch, qui aimait son boxeur, lui a peut-être sauvé la vie.

Aujourd'hui, quand on a l'occasion d'entendre Frazier en entrevue, on a droit à un homme en bonne santé. Merci, Eddie Futch. Merci d'avance, Stéphan Larouche.

Cela dit, d'autres se demanderont pourquoi Lucas tente ce retour. Pourquoi un champion du monde joue-t-il à la roulette russe pour finir, au mieux, par affronter quelques gloires locales?

La réponse est tellement évidente qu'on ne la voit pas. Parce que Lucas aime boxer. Parce que c'est son sport. Parce que c'est agréable de pratiquer un sport qu'on aime.

Pourquoi pensez-vous que Guy Lafleur, à 57 ou 58 ans, joue encore au hockey avec les Anciens? Pourquoi les grandes gloires du tennis participent-elles à des tournois des maîtres? Pourquoi des circuits pour «seniors» de golf?

Parce que c'est génial de pratiquer un sport de compétition le plus longtemps possible.

Le problème avec les boxeurs, c'est qu'il est impossible d'organiser des combats pour le fun à Rouyn-Noranda ou à La Baie. Lucas ne peut pas aller livrer des combats contre le corps de police de Chicoutimi. Lafleur et les Anciens le peuvent, pas Lucas.

Donc s'il veut faire de la vraie boxe, Lucas doit remonter dans un vrai ring contre un vrai adversaire. Qu'on aura choisi soigneusement, c'est déjà ça de gagné.

Lucas revient à la boxe parce qu'il aime ça. Pour le plaisir. C'est la meilleure des raisons.

DANS LE CALEPIN La planète foot s'enflamme. La France a volé la série contre l'Irlande, l'Algérie est en liesse et la rue Prince-Arthur danse à la suite de la victoire de la Grèce. Le soccer est vraiment le plus grand et le plus beau des sports internationaux. En fait, avec l'émergence du foot qui fut si difficile en Amérique du Nord, c'est maintenant le seul sport professionnel vraiment universel. J'ai assisté à un match dans une petite ville du Burkina Faso et c'était le même football qu'à Marseille, Moscou ou Paris. Ou Montréal. Sauf que c'était un terrain de poussière et que les joueurs n'étaient pas payés... Carey Price vient d'en jouer deux bonnes de suite. Comme en début de saison. Pourvu que ça dourrre.