Les fans vivent d'espoir. Depuis une dizaine de jours, avant la dégelée contre les Penguins de Pittsburgh, j'ai dû entendre cent fois à quel point l'équipe de cette année est supérieure à celle de l'an dernier.

Ça se peut. Mais si j'étais un fan, j'attendrais un peu avant de trop m'exciter. Si on veut comparer le Canadien de la récente cuvée, c'est avec l'équipe d'octobre dernier qu'il faut le faire. Et ça traîne la patte dans les comparaisons.

J'aimerais juste rappeler que le Canadien de Kovalev et de Carbo a connu une première demie de saison fabuleuse en 2008-2009. La meilleure au cours des 15 ou 20 dernières années. C'est à compter du mois de février, après le match des Étoiles et le retour au jeu de Saku Koivu et de Carey Price, que tout s'est effondré.

Il faut se rappeler que ce sont les frasques des joueurs en dehors de la glace qui ont corrompu le vestiaire.

J'ai une source qui était dans le vestiaire le printemps dernier et elle est formelle. Les joueurs ne pouvaient plus s'endurer, ils constataient matin après matin que Carey Price et Chris Higgins se présentaient dans le vestiaire dans un état épouvantable, ils subissaient le comportement inexplicable des frères Kostitsyn. L'ambiance était lourde et chacun sentait que Saku Koivu et Alex Kovalev ne jouaient pas selon la même partition.

C'est donc le Canadien du mois de mars que l'on se rappelle. Mais rien ne dit qu'on ne connaîtra pas un autre printemps de misère. Comme rien ne dit que les Glorieux ne connaîtront pas un envol extraordinaire. C'est pour ça qu'il vaut mieux garder son calme et laisser Jacques Martin tenter de bâtir une équipe avec les éléments ramassés par Bob Gainey.

Cela dit, si Bob Gainey a été contraint de laisser partir 11 joueurs de l'équipe «en qui il avait totalement confiance» et de les remplacer par une série de joueurs autonomes obtenus à prix d'or, ça veut aussi dire qu'il a complètement échoué dans son supposé plan quinquennal. S'il a été obligé de sabrer dans son alignement, c'est qu'il s'était trompé dans l'évaluation et le développement de ses joueurs. Point à la ligne, il n'y a pas d'autre conclusion qui respecte la logique. Même si certains des exilés de la dernière saison tardent à se mettre en marche avec leur nouvelle équipe.

Par ailleurs, à peu près tous les connaisseurs soutiennent que malgré le marché des joueurs autonomes qui permet une bonne cueillette de temps en temps, c'est toujours par le repêchage et un bon développement des jeunes au sein de l'organisation qu'on bâtit une grande équipe.

Or, j'écoutais hier avec stupéfaction les statistiques colligées par CKAC pour l'émission de Michel Villeneuve, et je me disais que Pierre Boivin et les frères Molson devraient appliquer au service hockey les mêmes règles qu'on doit observer dans les autres services de l'entreprise. Ils devraient demander des comptes et se montrer beaucoup plus exigeants. Dans les affaires, on donne carte blanche tant que les choses fonctionnent comme espéré. Sinon, on serre la vis.

C'est simple, depuis le match des Étoiles, les jeunes de 24 ans et moins du Canadien ne se comparent pas à la moyenne des 127 jeunes de la Ligue nationale. Pire, ils sont à cent lieues du peloton. C'est dramatique. Andrei Kostitsyn et Guillaume Latendresse sont les moins pires. Aucun jeune de 24 ans et moins de la Flanelle ne pourrait jouer dans un des trois premiers trios de 27 équipes de la ligue.

À la défense, à l'exception d'Andrei Markov qui est de l'époque d'André Savard et qui n'est plus un jeunot, c'est le désastre total. Trouvez donc un jeune repêché et développé par l'organisation qui soit capable de briller dans l'alignement actuel.

Ou bien Trevor Timmins est un incompétent fini ou bien Don Lever, le copain que Bob Gainey avait imposé à Hamilton, est celui qui a détruit les «beaux talents» dénichés par Timmins. Mais d'une façon ou d'une autre, on revient à celui qui embauche les lieutenants et qui s'entête à leur faire confiance.

Heureusement, le congédiement de Guy Carbonneau a entraîné ceux de Lever et de Doug Jarvis. Mais ça en dit long sur l'état d'esprit de Gainey au printemps dernier. Les trois étaient des amis.

Soit dit en passant, il y a trois jeunes repêchés par le Canadien qui font une belle carrière dans la Ligue nationale. Il s'agit de Mike Ribeiro, de Stéphane Robidas et de François Beauchemin, tous perdus par l'organisation. C'est ailleurs qu'ils ont pu éclore et briller. Et on sait dans quelles circonstances on les a laissés au ballotage ou échangés contre une douzaine de bâtons.

Connaissant l'admiration et l'affection que les frères Molson ont pour Bob Gainey, il va sans doute rester en poste tant qu'il va le vouloir. Il se peut que ce soit pour le mieux, tout est toujours possible. Mais quand on analyse la situation sans être un fan et surtout un fefan que l'amour aveugle, on ne peut faire autrement que d'avoir des doutes sérieux. Et une multitude de questions à poser.

Je le répète, j'ai une très grande confiance en Jacques Martin. Cette équipe est dirigée avec beaucoup de fermeté et une saine expérience. Mais un coach tout seul ne peut mener une équipe aux honneurs. À peine, si les astres sont bien alignés, peut-il l'aider à atteindre les séries éliminatoires.

Et enfin, compte tenu de l'épidémie de blessures qui sévit dans la Ligue nationale (on pense aux Flyers de Philadelphie entre autres), attribuer les difficultés du Canadien à la blessure subie par Andrei Markov serait bien malvenu.