J'étais assommé en apprenant la nouvelle. J'ai appelé une demi-douzaine de mes amis et proches pour voir comment ils réagiraient à la nouvelle.

Spontanément, sur le coup, j'ai eu droit à des manifestations d'incrédulité totale et de découragement devant la chose politique.

Je me suis installé dans un coin pour réfléchir. Jacques Demers nommé sénateur par le premier ministre Stephen Harper. Ça voulait dire quoi au juste? Que n'importe qui, capable de défricher péniblement une manchette dans la section des sports d'un journal, peut devenir sénateur et lire et étudier attentivement des projets de loi de plus de 100 pages? Ou bien que la fonction de sénateur a tellement été dévaluée par des nominations grossièrement partisanes au fil des ans, qu'elle a perdu tout sens. Qu'elle ne veut plus dire qu'un sénateur est le dernier rempart prévu par la Constitution pour empêcher l'adoption d'une loi inique et non équitable par un gouvernement partisan?

Ou bien que cette nomination était un message d'espoir. Qu'elle voulait dire qu'un enfant pouvait être trimbalé d'une misère à l'autre, qu'il pouvait tenter de réussir sa vie en camouflant habilement un terrible handicap social, celui de ne pas savoir lire et écrire, et finir sénateur de son pays?

J'ai rarement vu une nomination politique pouvoir prêter à tant d'interprétations. Je ne suis pas le seul à être soufflé et à tenter de trouver le vrai sens de cette affaire.

Jacques Demers m'a appelé mardi pour me souhaiter bonne fête. Je lui ai rendu la politesse. Il était de bonne humeur. Il avait déjà accepté sa nomination au moment de son appel. Il ne m'en a pas glissé mot. De toute façon, qu'aurais-je pu lui dire à part félicitations?

Je connais Jacques depuis plus de 30 ans. Depuis qu'il était coach avec les Cougars de Chicago, dans l'Association mondiale de hockey, et que son équipe était venue disputer un match hors-concours à Chicoutimi, capitale du Saguenay, en 1972. Il était alors l'assistant de Marcel Pronovost. C'est quelqu'un que j'estime beaucoup. Et j'aimerais écrire que je suis content de sa nomination sans aucune réserve.

Mais ce n'est pas le cas. Comment Jacques Demers pourra-t-il discuter avec les sénateurs Jean-Claude Rivet et Marcel Prudhomme, deux hommes politiques aguerris qui sont de grands spécialistes des affaires canadiennes? Comment pourra-t-il se préparer aux débats? À moins que ce ne soient des débats bidon?

Par ailleurs, je me dis qu'on n'interdirait pas à un aveugle de siéger au Sénat malgré son handicap. Donc, je présume qu'il y a d'autres façons de prendre connaissance des textes de loi et d'en approfondir le contenu. Comme Jacques Demers est une bonne personne, d'une intelligence vive, capable d'un apprentissage surprenant dans des circonstances difficiles, je me dis qu'il saura sans doute défendre les intérêts des citoyens canadiens. Comme le fait Jean Lapointe qui ne fut pas un ange dans ses grandes années. Ou Serge Joyal, qui avait d'autres particularités.

De toute façon, je suis en faveur de la disparition du Sénat depuis des années. On s'en va peut-être dans le bon sens. Pensez au maire de Saint-Eustache, émérite organisateur d'élections qui est maintenant sénateur!

Photo: PC

Jacques Demers, sénateur: ça veut dire quoi au juste?