Des dirigeants d'entreprises identifiées à Québec inc. sont intéressés à s'associer à Quebecor pour aider l'empire à mettre la main sur le Canadien.

Ces dirigeants et dirigeantes de sociétés valant plusieurs centaines de millions ne peuvent communiquer directement avec Pierre Karl Péladeau, mais ce sont leurs avocats ou leurs représentants qui parlent à des avocats ou à des hommes de confiance de M. Péladeau.

 

L'objectif final est toujours de faire des profits, il va sans dire, mais également de ramener l'institution qu'est le Canadien dans le giron de propriétaires francophones.

Mais le feuilleton de la vente du Canadien est encore plus passionnant et complexe alors qu'on s'approche d'un dénouement dans les prochains jours. Ainsi, si ce sont des avocats ou des envoyés qui discutent avec d'autres avocats de Quebecor, c'est que le NDA, le «Non Disclosure Agreement» signé par tous les acheteurs sérieux, inclut une clause qui interdit aux acheteurs potentiels de former des consortiums variables pendant le processus d'achat. Ainsi, c'est toute seule que Quebecor prépare le dépôt de son offre. Si d'autres entreprises québécoises veulent se joindre à l'empire, il faudra que ça se fasse par le biais d'un financement. Évidemment, dans un an ou deux, ce financement pourra toujours être transformé en capital mais, pour l'instant, les règles sont les règles.

La même constatation s'applique aux frères Molson, qui ont dû déposer à la Banque de Montréal la liste des membres de leur groupe dans le projet d'achat de l'équipe. Et le troisième groupe américain est lui aussi lié par les mêmes obligations.

Une partie fascinante

C'est une partie fascinante qui se joue présentement. Un des acheteurs signalait cette semaine qu'il y avait encore plein de zones grises dans ces négociations qui n'en sont pas.

Ainsi, à part les Molson et Quebecor, personne ne connaît avec certitude l'identité des autres soupirants. On ne sait même pas s'ils sont trois, quatre ou cinq. On n'est pas autorisé à parler à George Gillett directement. Tout passe par l'avocat Marc Lacoursière, qui représente BMO. Personnellement, tout ce que je sais avec certitude des autres groupes, c'est que Serge Savard attend sur les lignes de côté et que l'ancien ministre conservateur Michael Fortier a été mandaté par la banque Morgan Stanley afin d'aider un acheteur américain «très agressif», selon les termes d'un informateur très au courant du dossier.

«Tout est bien arrangé pour faire monter le prix de vente. Les entreprises impliquées ressemblent à des silos dans un champ. On travaille dans son silo, mais sans savoir ce que contient le silo voisin. C'est très difficile mais en même temps, c'est fascinant», a dit un informateur.

Les acheteurs ont évidemment rencontré les dirigeants du Canadien. Deux sources confirment que ces rencontres ont été très révélatrices. Pierre Boivin, le président du Canadien, Ray Lalonde, le vice-président marketing, François-Xavier Seigneur, Fred Steer, du service des finances, et Jacques Aubé, du Groupe Spectacles Gillett, ont participé à ces rencontres. «C'est un management de très haute qualité. Nous avons été très impressionnés. Ils ont pris une entreprise qui perdait de l'argent il y a cinq ou six ans, pour en faire une mine d'or qui génère des profits avoisinant les 50 millions. Tellement que pour nous, c'est évident: Pierre Boivin et ses adjoints, il faut les garder au sein de l'organisation», a déclaré une source.

Avant le 15 juin ?

On peut présumer que trois groupes sérieux s'affrontent dans cette bataille en parallèle, qui pourrait connaître son dénouement avant le 15 juin. Des trois groupes, un serait américain; un autre représenterait l'establishment anglophone québécois, et un troisième, Quebecor, se positionne comme étant l'acheteur des francophones.

On sait déjà comment les frères Molson et l'acheteur américain pourraient opérer à Montréal. Si George Gillett a réussi avec Pierre Boivin à transformer le Canadien en une véritable vache à lait qui pompe des dizaines de millions de profits annuels dans les autres entreprises d'oncle George, la recette devrait fonctionner avec ces deux acheteurs.

Quant à Quebecor, avec TVA, le Journal de Montréal, les journaux anglophones de la chaîne Sun Media, les magasines pop, Archambault et TVA International pour distribuer les produits dérivés, le Canadien prend une dimension encore plus fascinante. Et intimidante puisque personne chez Quebecor, comme chez ses adversaires d'ailleurs, n'est au courant de ce que prépare l'autre.

On est rendu dans la dernière ligne droite d'une extraordinaire course à obstacles. Et comme l'a souligné hier soir un dirigeant du Canadien: «Disons que les choses ont été bien faites.»