«Je pense que Bob Gainey est un homme très bien. C'est un homme droit qui a des principes. C'est un monsieur.»

Ces paroles qui en disent plus long que n'importe quelle déclaration pendant une conférence de presse officielle, Jacques Martin me les disait le samedi 11 avril avant le dernier match des Panthers de la Floride contre les Capitals de Washington. Gainey peut donc être rassuré. L'homme qu'il embauche pour diriger les joueurs du Canadien l'appréciait et le respectait alors même qu'il était son adversaire. Et il se portait à sa défense quand un journaliste se faisait trop sévère dans la conversation.

Ce soir-là, Jacques Martin n'avait pas le goût de rire. Il mangeait avec Marcel Aubut, son ancien président devenu ami, agent et avocat, et avec un humble chroniqueur, dans le salon VIP des Panthers de la Floride, et on discutait de la saison des Panthers. Il ratait les séries éliminatoires, même si son équipe avait le même nombre de points et le même nombre de victoires que le Canadien.

Il perdait un bonus d'un demi-million de dollars et, surtout, il disait adieu à une année supplémentaire à son contrat. Autrement dit, à près de deux millions de dollars. De quoi faire perdre le sourire.

Et en plus, en participant aux séries éliminatoires, son budget pour la prochaine saison était accepté automatiquement. En étant exclus des séries, le budget était donc à renégocier.

Mais ce qui inquiétait le plus Martin, c'était la perspective de voir ses Panthers retomber dans les bas-fonds de l'Association de l'Est. Il avait échangé Jay Bouwmeester en mars aux Flyers de Philadelphie contre deux solides espoirs, mais son propriétaire avait imposé son veto à la transaction. Il allait perdre son as défenseur sur le marché des joueurs autonomes et il n'aurait rien en compensation. Les prochaines saisons allaient être pénibles à Sunrise.

C'est ce soir-là que Gainey a eu sa première chance d'attirer cet entraîneur aussi compétent que crédible à Montréal. Avec une victoire de plus contre le Canadien, les Panthers auraient participé aux séries éliminatoires et Martin serait sans doute resté à Deerfield.

Mais quand Gainey a obtenu la permission de négocier avec lui et son agent Aubut, le gros du travail avait été fait. Ce n'était plus à Sunrise que Martin allait être heureux. Ce serait à Montréal, avec le Canadien, cette grande équipe du passé qu'il avait tant combattue avec les Nordiques de Québec en tant qu'assistant, ou avec les Sénateurs d'Ottawa et les Panthers à titre d'entraîneur-chef.

C'est Aubut qui représentait les intérêts de Martin, situation pour le moins étrange puisque Me Aubut est également l'avocat du Canadien dans plusieurs dossiers. Il a d'abord fallu négocier cette permission avant que les vrais pourparlers avec Gainey et Pierre Boivin ne commencent.

Il fallait en plus convaincre le propriétaire des Panthers de laisser partir son président et directeur général, surtout, il fallait faire très vite puisque perdre un directeur général pour une organisation comme les Panthers était dramatique. Les négociations se sont déroulées pratiquement jour et nuit et tout a été officialisé à 18 h dimanche.

Les choses se sont ensuite passées rondement. Tellement qu'hier, le Canadien pouvait confirmer que le prochain entraîneur de l'équipe serait Jacques Martin.

C'est une excellente nouvelle pour le Canadien. Et Gainey mérite des félicitations. Il vient d'aller chercher un homme droit et solide, un entraîneur qui sait organiser un système de jeu défensif et qui, malgré tout ce qu'on a pu dire à Ottawa, n'a jamais empêché ses bons joueurs de se lancer à l'attaque.

De plus, si Gainey reste en poste, il pourra discuter avec un homme qui lui ressemble. Les deux sont sensiblement du même âge, ils sont calmes et réfléchis et partagent le même point de vue sur leur travail et les principes qui doivent guider une vie.

Et puis, si les nouveaux propriétaires ne veulent plus de Gainey, ils auront déjà un successeur expérimenté sous la main.

Cette fois, c'est vraiment un actif qui s'ajoute à la propriété vendue par George Gillett. Parce que Martin est ce genre d'entraîneur capable de se débrouiller avec des effectifs réduits et moyens. Ce qui pourrait arriver la saison prochaine.

Au moins, Gainey (ou son successeur) va pouvoir compter sur un entraîneur qui ne paniquera pas quand l'équipe va traverser des périodes houleuses.

Et enfin, Jacques Martin respecte exactement les exigences que Boivin avait rendu publiques à propos du futur entraîneur du Canadien. Taillé sur mesure.

Bravo.