Malgré tout le respect que j'éprouve pour Bob Gainey, je pense qu'il devrait préparer son départ. Je sais que ce n'est jamais le bon moment pour quitter une organisation comme le Canadien, surtout avec la vente de l'équipe dans le décor, mais le bilan des cinq dernières années de Gainey ne pèse pas assez lourd pour qu'on lui fasse confiance pour un nouveau plan quinquennal.

Je refuse de faire le procès d'un homme qui a certainement travaillé avec honnêteté et entêtement. Mais le directeur général, lui, doit rendre des comptes.

Il a sacrifié un coach qui avait mené le Canadien à la première position de l'Association de l'Est, l'an dernier, qui, le 17 janvier, complétait la meilleure première moitié de saison des 25 dernières années et qui, au moment de se faire congédier, venait de gagner cinq des sept derniers matchs de l'équipe.

Gainey l'a remplacé comme il l'avait fait avec Claude Julien, et le résultat a été désastreux. Désastreux à tous les plans.

Gainey a réussi quelques bonnes transactions. Alex Tanguay est son meilleur coup. Il a fait signer un contrat à Robert Lang comme joueur autonome et Lang en a donné pour l'argent dépensé. Même chose pour Matthieu Schneider.

Mais il a commis des erreurs épouvantables avec Mike Ribeiro et Cristobal Huet, sans parler des joueurs qu'il a négligé de garder à Montréal. De plus, il a brisé un lien sacré entre les hockeyeurs québécois et l'organisation. Jamais depuis 50 ans le Canadien n'a-t-il été aussi pauvre en joueurs québécois. Encore pire, Gainey a fermé la porte aux espoirs des entraîneurs francophones de monter dans la Ligue nationale. À part Sergio Momesso, adjoint à Hamilton, il n'y a pas un seul coach québécois dans toute l'organisation. Les Alain Vigneault, Michel Therrien, Claude Julien (Ontarien francophone), Jacques Lemaire, Mario Tremblay et les autres n'auraient jamais eu la chance de faire carrière dans la Ligue nationale sans le Canadien. D'autres, comme Jacques Martin et Bob Hartley, sont passés par les Nordiques. Aujourd'hui, après cinq ans de l'ère Gainey, tout est bouché. Et l'ineffable Trevor Timmins, le patron du dépistage, qui trouve toujours le moyen de pisser dans les oreilles de certains chroniqueurs, a complété le travail de bouchonnage. Juste à regarder où sont assis les rares dépisteurs responsables du Québec à la table du Canadien au repêchage. Sont au bout, là où ils ne seront entendus par personne.

Mercredi, Claude Julien, congédié en janvier 2006 par Bob Gainey, a donné une autre leçon de hockey à celui qui l'a congédié pour prendre sa place et terminer la saison. Une maudite à part ça. Comme ses Bruins en avaient donné une plus grosse encore lundi soir. Comme ils en avaient donné une plus énorme samedi. Comme ils l'avaient fait lors du premier match.

D'ailleurs, les deux coachs qui ont gagné leur série en quatre matchs sont Claude Julien et Alain Vigneault. Quelle ironie!

Bob Gainey va tenter de convaincre les naïfs en disant que son plan de ne pas faire signer de contrat aux joueurs autonomes lui donne une marge de manoeuvre importante pour améliorer l'équipe. À cela je réponds que c'est de la boulechite.

La vérité, c'est que les partisans vont recevoir en mai leur facture de 12 000$ pour acheter leurs abonnements de saison sans avoir la moindre petite idée des corps qui vont remplir les chandails tricolores. Et vous pensez que Vincent Lecavalier va venir à Montréal sans savoir avec qui il va jouer? Y avez-vous pensé, 10 joueurs autonomes? Et ceux qui vont rester sont plus des pommes pourries que des actifs. Les Kostitsyn, ça vous allume?

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Dans une compagnie ordinaire, c'est le président lui-même qui prendrait la responsabilité de demander des comptes. Et une fois le bilan étudié, le verdict serait sans pitié. Gainey s'était engagé à ce que l'équipe qu'il bâtissait soit en mesure de lutter pour la Coupe Stanley ce printemps, le printemps du centenaire. C'est une faillite totale.

Pierre Boivin se retrouve malheureusement avec une autorité morale diminuée. La vente du Canadien et l'incertitude qui règne au Centre Bell vont sans doute l'empêcher de prendre des mesures draconiennes. Il se retrouve dans une situation ne lui permettant pas d'exiger la démission de Gainey ou de le congédier. Mais au bout du compte, s'il ne fait rien, c'est lui qui va finir par payer le prix et se faire mettre dehors. Parce que lui aussi a failli, lui non plus n'a pas rempli ses engagements. Il a donné carte blanche à Gainey, avec le résultat qu'on connaît.

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Ça n'arrivera pas. Je parle d'André Savard. L'orgueil a trop souvent le dessus sur la raison. Mais le meilleur directeur général que le Canadien ait eu depuis le départ de Serge Savard aura été André Savard. Et par une bonne marge. On l'a humilié en l'obligeant à jouer la comédie du gars heureux de céder son poste à Gainey mais il s'est toujours comporté avec dignité, même si Gainey ne l'a jamais écouté une seconde.

Ça n'arrivera pas, mais ce qui pourrait arriver de mieux à cette organisation serait qu'on rappelle Savard en s'excusant et en lui redonnant son poste. Tant qu'à reconstruire, aussi bien le faire avec quelqu'un qui a la compétence et qui est capable d'écouter.

J'écris ces lignes et ça me fait de la peine. Je connais Bob Gainey depuis 34 ans. Je l'ai vu payer de sa personne, je l'ai vu se donner corps et âme pour son équipe, je l'ai vu prendre soin des jeunes hommes qu'il tentait de diriger.

Mais je suis payé pour donner mon opinion à la lumière de mon expérience et dans les limites de mon jugement. Et moi, Bob Gainey directeur général, je n'ai pas confiance.

DANS LE CALEPIN - Carey Price a au moins retenu une chose de Patrick Roy. Quand il a été hué en deuxième, il a levé les bras en signe de dérision envers la foule. Mais il a tout l'été pour se faire oublier. Et pour noyer ses déceptions avec vous savez quoi. Rien de mieux qu'une douzaine de bières pour apaiser son angoisse, c'est bien connu. Par contre, il n'est pas responsable de l'élimination du Canadien.

J'avais choisi le Canadien en six. Ça veut dire que je pensais que Markov pourrait revenir au jeu et que Bob Gainey saurait préparer ses joueurs. Je me suis trompé sur les deux points.

La foule du Centre Bell a été dure envers ses favoris. Elle a hué les joueurs et a scandé «Carbo» et «Guy» comme jamais cette saison. Par contre, elle les a applaudis à la toute fin quand ils ont salué leurs partisans.

Mais faut pas s'inquiéter, ils vont être 21 350 au premier match la saison prochaine. C'est ce qui compte, les profits.