Guy Carbonneau n'avait pas perdu son vestiaire. La source, la plus fiable de toutes les sources possibles, est formelle: «Il y a toujours des joueurs qui sont plus ou moins contents ou satisfaits. Mais quand venait le temps de sauter sur la glace pour un match, les joueurs étaient prêts à jouer. Avec son expérience dans le hockey, si Carbo avait perdu son vestiaire, il aurait su quoi faire», de dire ce membre du Canadien qui était présent dans le vestiaire dans toutes les occasions.

C'est cette même source qui me racontait comment cela avait été difficile pour Bob Gainey de se rendre à la résidence de Guy Carbonneau pour lui annoncer qu'il était congédié. Malgré des différends sur la façon d'utiliser certains joueurs, malgré un désaccord sur Carey Price, Guy Carbonneau et Bob Gainey restaient des amis.

Mes confrères vous racontent tout ce qui a été dit par Bob Gainey et les autres intervenants dans le dossier.

Avant de parler de Guy Carbonneau, deux petits points. Tous les hommes d'affaires et tous les présidents d'entreprises savent qu'un directeur général ne peut congédier un cadre supérieur aussi connu et aimé que Carbonneau sans avoir eu le feu vert des grands patrons de la compagnie. Autrement dit, Pierre Boivin et George Gillett ont approuvé la décision de Gainey ou même, cela est toujours possible, ce sont eux qui ont fait pression pour qu'il trahisse son amitié et congédie son homme de confiance.

Et deuxièmement, en cette année hautement médiatisée du centenaire, il était impensable que le Canadien rate les séries. Pierre Boivin et Ray Lalonde ont tellement vendu de gugusses et de guenilles vantant les 100 ans de la Flanelle, c'est une décision de panique qu'ont prise Gainey, Boivin et Gillett. Surtout que plein de rumeurs courent dans les milieux financiers sur l'état de la fortune réelle de M. Gillett et sur ses tentatives de refinancement de l'entreprise.

Et maintenant, Carbo. Je le connais tellement que je peux vous décrire comment il se sentait, hier soir, et ce qu'il avait en tête comme si je lui avais parlé.

Si vous pensez que Carbonneau est gêné parce qu'il a été congédié, vous vous trompez royalement. Carbo va être au Centre Bell d'ici une semaine au plus et va sourire à ceux qui vont venir le saluer. Parce que malgré les difficultés de l'équipe cette saison, il sait qu'il n'a jamais baissé les bras et qu'il a fait de son mieux. Cet homme fier ne se cachera pas et les partisans du Canadien seront bien accueillis s'ils vont le saluer.

Mais ce qui enrage le plus Carbo, c'est le moment choisi par Gainey (et les deux autres) pour lui faire sauter les pieds.

Carbo espérait de tout son coeur la fin de ce dernier voyage à Dallas pour enfin respirer un peu avec ses joueurs. Il sait fort bien que Bob Gainey a choisi le moment idéal pour avoir l'air intelligent. Le Canadien a retrouvé son principal blessé, Alex Tanguay, Carey Price semble s'être replacé et Jaroslav Halak a pris beaucoup de mieux alors que le club entreprend une longue série de matchs au Centre Bell, devant ses fans, et contre des équipes minables ou inférieures à la moyenne. Qu'on pense aux Islanders de New York, aux Thrashers d'Atlanta, aux Maple Leafs de Toronto ou aux Oilers d'Edmonton qui vont venir visiter les Glorieux. Un calendrier facile. Comme dirait Bijou : A walk in the park.

Autrement dit, les succès de Gainey pendant cette portion facile du calendrier auraient pu être les siens. Carbo est convaincu que l'équipe va prendre son envol au cours de ce séjour à domicile et il aurait été profondément heureux d'être du groupe pour ces 35 derniers jours de la saison.

La vie continue

Si j'avais parlé à Carbonneau, hier soir, il m'aurait raconté qu'il lui reste plus de deux ans à son contrat, qu'il est heureux avec la belle Lyne et que la vie continue et qu'il y aura d'autres défis pour un coach et un homme comme lui. Qu'il y a des cadres d'entreprises bien plus mal pris que lui. Même s'il se sent dévasté par la nouvelle de ce congédiement dont on a surtout bien choisi le moment.

Il aurait sans doute profité de la conversation pour faire le point sur un sujet qui lui tient à coeur. Les coachs de la Ligue nationale n'ont pas le chance de s'installer et d'instaurer une certaine stabilité et une certaine constance dans une organisation. On leur fait sauter les pieds au premier vent de panique. Il semble que les Sabres de Buffalo ont compris que ça ne donnait rien de changer d'entraîneurs aux deux ans puisque Lindy Ruff est derrière le banc depuis une dizaine d'années. Mais ailleurs, on sacrifie de bons leaders et de bons hommes de hockey devant le moindre caprice d'un propriétaire ou d'un président nerveux.

Et puis, connaissant Carbo, il aurait souligné que le départ canon des Bruins de Boston au cours des 50 premiers matchs de la saison a faussé de nombreuses données et mis de la pression sur plusieurs équipes. Et malgré une épidémie de blessures qui l'a forcé à réagir au lieu d'établir, il ajouterait au détour d'une réponse que son équipe est quand même cinquième au classement de l'Association de l'Est.

Mais Carbo pansait ses plaies à la maison avec sa femme, hier soir. Il n'avait pas le goût de donner des entrevues et qui donc peut le blâmer.

Après tout, il venait de sauver la journée de M. Henri-Paul Rousseau. Les 40 milliards de la Caisse de dépôt, est-ce qu'on s'en foute ce matin!