C'est un frémissement qui chatouille désagréablement. Ça fait déjà quelques jours que le microbe est en incubation. Hier matin, c'était la question dont débattaient des animateurs. Si Guy Carbonneau ne s'appelait pas Guy Carbonneau, est-ce qu'il jouirait de la même protection de la part des médias et de Bob Gainey? Ce n'était pas trop clair.

Mais l'effet cherché par la lame du poignard qu'on enfonce dans le dos de Carbonneau est évident. Essayer de partir le mouvement de masse qui va finir par faire sauter Carbo.

 

Et le sous-entendu de la question est tout aussi évident. Si Carbonneau n'avait pas été le capitaine du Canadien, s'il n'avait pas donné sa sueur et son sang pour l'équipe, s'il n'était pas l'ancien coéquipier de Bob Gainey, aurait-il sauvé sa peau devant les difficultés du Canadien?

Une fois la chair ouverte par le poignard, c'est facile de voir les assoiffés s'engouffrer dans la plaie. Facile puisqu'il n'y a pas un seul coach au hockey qui peut survivre à des joueurs qui se traînent les pieds ou à une collection d'anciens coachs - tous congédiés - qui analysent la moindre de ses décisions. Ou à des animateurs qui sont certains d'avoir raison.

On peut faire le procès de Guy Carbonneau. Comme on a fait le procès de Mario Tremblay, congédié par Ronald Corey après l'élimination du Canadien à Boston. Ça se passait dans le garage pendant qu'on marchait vers l'autobus.

Comme on l'a fait pour Alain Vigneault. Comme Michel Therrien a suivi pour avoir porté un veston jaune et envoyé le mauvais joueur pour une mise au jeu dans son territoire. Comme c'est arrivé à Claude Julien, dont le grand péché était d'occuper la place réservée à Carbo.

On peut tous trouver des puces à Carbonneau. On peut trouver qu'il change trop ses trios. On peut soutenir que les sorties de zone sont discutables, qu'il y a un trop grand espace entre les défenseurs et les avants lors de la relance. On peut accuser Carbo de ne pas assez communiquer avec ses joueurs, de ne pas jouer assez à la nounou avec ses vedettes et de ne pas assez les dorloter. On peut affirmer qu'il n'est pas assez sévère, pas assez Pat Burns, et dire aussi qu'il n'est pas assez motivateur, pas assez Jacques Demers.

Je répondrai à ceux qui tiennent le poignard que Carbonneau fait son travail. Qu'il a sans doute ses lacunes et ses faiblesses mais qu'il a ses forces et son expertise. Je répondrai que certains Glorieux ont réussi à avoir la peau de coachs qui ont mené leur équipe à la finale de la Coupe Stanley ou qui ont mérité le titre d'entraîneur de l'année.

Michel Bergeron et Jacques Demers ont posé une question qui en dit long sur cette équipe: «Ce qui est terrible pour Guy Carbonneau, c'est qu'il n'a pas de leaders dans le vestiaire vers qui il peut se tourner. Il n'a pas de Vincent Damphousse ou de Guy Carbonneau comme j'en avais», a dit Demers. Et Bergeron, avec ses Nordiques, pouvait quitter son vestiaire une demi-heure avant le début d'un match en sachant que les Stastny ou Dale Hunter allaient prendre soin des joueurs. Et que si quelqu'un manquait de détermination, ils allaient lui parler dans le blanc des yeux.

Mais vers qui Carbo s'est-il tourné, hier soir, avant le match? Même si on peut croire que les Glorieux ont gagné contre les pauvres Thrashers (j'écris avant le match), ça ne change rien au fond du problème. Qui sont les leaders dans cette équipe? Le capitaine Saku Koivu? Depuis qu'il joue pour le Canadien, il a passé sept coachs. De Jacques Demers à Carbo. À part Bob Gainey, qui ne pouvait se congédier, ils ont tous sauté! Et juste à le voir lors de l'incident Komisarek-Lapierre, plus tôt cette semaine, on sait que ça ne lui dit rien de jouer au capitaine.

La star Alex Kovalev? Après le traitement que lui a imposé Gainey, il y a deux semaines, Kovalev n'a pas le droit moral de se lever dans le vestiaire. Mais alors, qui donc? Certainement pas Alex Tanguay, ni Andrei Markovn, ni Mike Komisarek, qui joue un hockey tout croche, ni Tom Kostopoulos...

Il n'y a personne. Et ceux en qui il peut avoir une confiance absolue, comme Patrice Brisebois, n'ont pas le niveau de jeu pour se permettre des remontrances envers qui que ce soit. Heureusement, le jeu du siège éjectable semble avoir pris fin. S'il y a une chose pour laquelle il faut féliciter Bob Gainey, c'est d'avoir compris que de congédier un coach qui a terminé premier de sa conférence avec une équipe sous-estimée, l'an dernier, serait inutile et injuste.

Et pour finir, Jaroslav Halak a une grosse grippe. Tellement forte qu'il a fallu redonner le filet au chouchou Carey Price. En espérant qu'il va retrouver son aplomb.

Euh... Vous y croyez à cette grippe, vous autres? Ou vous croyez à un coup de téléphone du docteur Robert Gainey?

Quelle atroce défaite!

Concéder deux buts dans les minutes de temps d'arrêt, ça n'arrive jamais au soccer. C'est arrivé jeudi soir au Mexique. Nos gars de l'Impact, sous pression et paniqués, ont perdu dans les dernières secondes de deux matchs difficiles contre une équipe de première division mexicaine.

Ils ont paniqué, ils ont mal joué pendant 30 minutes contre une équipe qui attaquait avec l'énergie du désespoir mais on s'en moque. On les aime. Les Valeureux de l'Impact auront réussi le formidable exploit de faire parler de soccer aux stations de radio et de télé qui sont dévouées entièrement au Canadien. Jour et nuit, 24 heures par jour.

Ils ont perdu, mais ils ont gagné beaucoup plus qu'une coupe. Ils ont gagné un statut. Ils ont gagné tout plein de gamins à Chicoutimi, à Rimouski, à Rouyn-Noranda, qui vont ajouter un poster à leur collection. Ils ont montré du panache et ils ont montré du courage.

Bravo. Rebravo. Et re-rebravo.